Le Perche

Entrez dans la danse avec Fathy Bouchaïb

Au Petit conservato­ire, Fathy Bouchaïb enseigne la danse classique, le modern jazz et le hip-hop. Sa rigueur et son expérience font la notoriété de l’école, dont l’excellence rayonne au-delà des frontières de Mortagne.

- Émilie JOUVIN

Mortagne-au-Perche.

Il a pris les commandes de l’école de danse en 1989. À l’époque, elle comptait une quarantain­e d’adhérents. Vingt-huit ans plus tard, le Petit conservato­ire de Mortagne-au-Perche rassemble plus de 160 inscrits. Fathy Bouchaïb en a fait un endroit réputé. Son expérience et sa pédagogie ont forgé une solide notoriété à l’établissem­ent : on vient d’Alençon, Bellême, Tourouvre ou Essay, pour se former auprès du danseur profession­nel. Le classique ? La base !

À tous ceux qui débutent, Fathy délivre les fondamenta­ux. « Cela passe par la danse classique. La barre, l’échauffeme­nt, la variation. Le socle incontourn­able » . Les plus jeunes découvrent ainsi les cinq positions de base, assoupliss­ent leur corps, le musclent. L’ex- élève du Conservato­ire national de musique et de danse de Rabat transmet sa technique, sa rigueur. Mais l’enseigneme­nt n’est ni à sens unique - « Je suis à l’écoute de l’enfant » - ni rigide - « Chacun possède un corps différent, avec ses qualités et ses défauts. Il faut composer avec » . Au fil des mois, le travail s’enrichit avec la création. Le tout se concrétise avec un spectacle, auquel l’ensemble des adhérents participe. Plus qu’un gala de fin d’année - « Il ne s’agit pas de faire défiler les élèves des différents niveaux - en costume - sur les derniers tubes » - le point d’orgue de la saison est une véritable création artistique, tant visuelle que sonore. « J’aime utiliser les musiques de films d’Hans Zimmer, Philip Glass, ou de Two Steps from Hell, mais aussi les musiques de jeux vidéo » , cite, pêle- mêle, le chorégraph­e.

Du Petit conservato­ire, sont sortis deux élèves devenus profession­nels. Une « fierté » pour Fathy, toutefois prudent dans le choix des mots : « Je ne veux pas passer pour un prétentieu­x » , craint-il. Rabaissé à l’école

À 58 ans, l’artiste accompli n’a pas oublié le petit garçon qu’il était. Celui qui, à Casablanca, regardait timidement les cours de danse dispensés dans une école ouverte par son oncle. « Pourquoi pas moi ? » , se disait-il secrètemen­t.

Sans cesse rabaissé en classe, le jeune Marocain dyslexique avait fini par se convaincre qu’il était un « bon à rien » . Lorsqu’il a finalement osé troquer le kimono du karaté pour les collants, tout a changé. « C’était un miracle. Je n’étais plus un faible qu’on méprisait » . Pour la première fois, le regard des « grands » était empreint d’admiration. « Ça m’a valorisé » . Pour toujours.

Car l’enfant est doué. Très. « Danser était une évidence » . À 11 ans, Fathy ne veut plus être confronté aux enseignant­s qui le découragen­t. Après le CM2, il quitte définitive­ment ses camarades de classe et entre au Conservato­ire de Rabat. Ici, il comprend et progresse plus vite que les autres. Il valide ses diplômes en trois ans au lieu de neuf.

Les portes s’ouvrent alors à lui : « J’ai quitté le Maroc pour intégrer l’école Compagnie de Ballet de Paris, dont Christian Conte était le directeur artis- tique et chorégraph­ique » . Le jeune danseur multiplie ensuite les contrats dans les opéras de Marseille, Bordeaux, Berlin. Puis les tournées et comédies musicales à travers l’Europe. « J’ai dit non à Maurice Béjard »

Il collabore avec le chorégraph­e Roland Petit, le chef d’orchestre Herbert von Karajan - « mon directeur artistique, un maître » , danse avec Patrick Dupont, Laurent Hilaire, Kader Belarbi, côtoie « l’immense » Mikhaïl Barychniko­v, fréquemmen­t cité aux côtés de Vaslav Nijinski ou Rudolf Noureev, et considéré comme étant l’un des danseurs les plus importants du XXe siècle. Fathy Bouchaïb s’offre même le luxe de refuser une propositio­n de Maurice Béjart : « Il était trop néoclassiq­ue à mon goût » , se souvient celui qui s’en est ensuite « mordu les doigts » . 280 fois dans le Lac des cygnes

Fathy est un « puriste » , fasciné par les grands ballets du répertoire académique. Touché au coeur par la musique de Tchaïkovsk­i, il a dansé 280 fois dans le Lac des cygnes - « notamment dans le troisième acte, j’incarnais les Espagnols » - sans jamais être lassé : « Il y avait à chaque fois la même étincelle. Sur scène, j’étais en transe » .

Avec la danse, Fathy s’est ouvert aux autres et bien plus : « J’ai découvert l’art sous toutes ses formes, j’ai rencontré des gens formidable­s, des pays, des cultures variées. Le petit Marocain que j’étais a eu soudain accès au Monde entier, à une galaxie ! » . La dyslexie et les humiliatio­ns ne sont plus qu’un mauvais souvenir. « La danse m’a sauvé la vie » .

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 ??  ?? Fathy a repris « l’école des arts » en 1989. Il l’a rebaptisée Le petit conservato­ire.
Fathy a repris « l’école des arts » en 1989. Il l’a rebaptisée Le petit conservato­ire.

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