Le Perche

« Une cocotte-minute, ce couple ! »

-

C’est un homme de 67 ans, marié depuis 1973, qui comparaiss­ait pour des violences conjugales devant le tribunal correction­nel d’Alençon, jeudi 30 novembre.

Le 12 août 2017, une altercatio­n « au sujet du cadeau d’un de leur petit-fils » a éclaté au sein du couple domicilié dans le Perche. Le prévenu a alors saisi son épouse au cou et l’a poussée contre le mur. Dans sa plainte, l’épouse dénonce également « des violences psychologi­ques depuis plusieurs années » . Les constatati­ons médicales et les photos de la femme attestent « d’impression­nantes rougeurs au buste et sur le cou » , remarque la présidente. « À force d’être insulté, c’est frustrant »

« Je l’ai prise par le revers de sa robe de chambre et je l’ai poussée le long du mur. Quand je me suis rendu compte que je faisais une bêtise, je l’ai lâchée » , reconnaît l’époux. « Je ne supportais plus ses insultes. Mais je ne l’ai jamais touchée aux bras et au cou. Ces allégation­s sont fausses » . Les rougeurs sur le cou ? « Quand j’ai appuyé sur son torse, ça a fait des marques. Elle rougit très facilement pour pratiqueme­nt rien » , annonce l’époux avant de signaler que son épouse « broie du noir en permanence, elle s’enferme dans sa chambre et tous les jours, elle me fait des reproches car je ne fais jamais rien de bien. Alors il arrive un moment où… »

La victime mentionne qu’elle a déjà « été tapée en 1995 devant (son) fils » . Le couple cohabite toujours sous le même toit et l’épouse dit « avoir très peur depuis le mois d’août alors (elle) (s)’enferme dans ma chambre où (elle) mange des sandwiches ou alors (elle) ( part) toute la journée » . Pourquoi ne divorce-t-elle pas ? « Elle n’était pas prête » , répond son avocate. « Depuis un moment, il s’énervait pour un rien et j’étais son souffredou­leur » , ajoute-t-elle.

« C’est sa parole contre la mienne » , rebondit le prévenu. « Je ne suis pas une personne violente. À force d’être insulté et persécuté depuis deux ans, tous les jours c’est la même rengaine, ça devient frustrant et difficile à supporter » .

L’homme, au casier judiciaire vierge et retraité depuis dix ans, est soutenu par ses deux enfants. « Ça faisait un an qu’on ne les voyait pas et là, ils sont avec leur père, ils défendent leur père » , signale la victime. « On reçoit toujours des insultes, des réflexions qui descendent papa, on n’a pas le droit à l’erreur. Je lui ai déjà dit d’arrêter d’être dans le conflit et la guerre. Elle dit qu’elle n’est pas heureuse mais elle ne fait rien pour changer sa vie. Or, mon père est un très très bon papy, mes enfants n’ont pas peur de lui » , témoigne la fille du couple. « Pas une simple bousculade »

« On est dans la vengeance de famille aujourd’hui et c’est intolérabl­e que des enfants puissent témoigner de la sorte. Mais les faits sont établis ! » , plaide l’avocate de l’épouse. « Son mari sous-entend : « Elle m’a cherché, elle m’a trouvé » Et bien, non ! Ça ne légitime pas le passage à l’acte qui a été le sien ». Elle réclame 1 000 € pour le préjudice moral de sa cliente.

« Au regard des photos, il ne s’agit pas d’une simple bousculade ! » , relève la substitut du procureur. « Et pousser et serrer quelqu’un contre un mur, ce sont des violences ! » Elle requiert 800 € d’amende et une obligation d’effectuer un stage pour la prévention et la lutte contre les violences conjugales.

« Cette affaire relève du conflit intra-familial. On ne devrait même pas être là » , annonce l’avocat de la défense. « Ils ont plus de quarante ans de vie commune et se retrouvent l’un et l’autre à la retraite. C’est une cocottemin­ute ce couple ! Il y en a un qui se fait insulter et qui se contient et à un moment, il y a quelque chose qui se passe ! Or l’intention de porter des violences doit être démontrée. Où est-elle ? Il s’entend dire que c’est le dernier des derniers et ça fait des mois que ça dure… Il a voulu dire : « Maintenant, ça suffit ! » et on se retrouve avec des marques ! Ce ne sont pas des violences mais quasiment un acte réflexe. C’est donc un mauvais mariage que vous allez juger ? Non ! » , conclut l’avocat en plaidant la relaxe de son client.

Le tribunal a finalement condamné le sexagénair­e à 800 € d’amende et à l’obligation d’effectuer, à ses frais, un stage de lutte contre les violences conjugales et le sexisme. Il devra, en outre, verser 500 € de dommages et intérêts à son épouse et 400 € pour ses frais d’avocat.

Newspapers in French

Newspapers from France