Le Perche

Dîner en amoureux…

-

Jean- Michel Olivier.

A gauche de la route qui mène aux bruyères ce trouve un chemin creux bordé de grosses trognes de charmes et de noisetiers. Ce chemin dessert un coquet hameau. Jean habite une de ces maisons, une longère de pierres, aux murs épais au toit de tuiles rouges et aux fenêtres étroites peu dispendieu­ses de lumières mais qui préservent du froid.

Cette semaine, Jean a lavé les rideaux de mousseline, a brossé son pavé et bien fait briller les meubles de chêne. Il a même fait les cuivres. C’est plus joli quand ça brille.

Sur le coin de la table de salle à manger, la nappe blanche est sortie, deux petits bougeoirs de verre sont enchâssés de longues bougies rouges toute neuves. Il ne reste plus qu’à aller couper quelques branchette­s du sapin qui trône au milieu de la pelouse et d’y ajouter un peu de houx du jardin aux boules bien rouges et l’affaire sera faite.

Ce matin déjà il a préparé sa chemise blanche, son pull bleu assorti à la couleur de ses yeux. Amélie aime bien ce pull, c’est elle qui l’a acheté un jour de commission. Son pantalon de velours attend sur le cintre accroché à la clef de la grande armoire. Tout est prêt.

Amélie a préparé le repas : d’ailleurs la cocotte en fonte au coin de la cuisinière exhale déjà une bonne odeur de thym et de laurier.

Un ragoût de chevreuil celui qu’il aime tant et qu’elle sait si bien faire ;

La table est dressée, le bouquet de branchage forme un joli centre de table que la flamme des bougies illumine avec gaîté. Comme pour tous les Noël le service de table de leur mariage est de sortie, l’argenterie aussi.

Jean craque une allumette dans la cheminée qui avait préparé préalablem­ent avec du bois bien sec pour qu’elle ne fume pas. Puis passe faire un brin de toilette, enfile ses vêtements soigneusem­ent préparés du matin et retourne dans la salle à manger où la cheminée crépite. Jean s’assoit à sa place au bout de la grande table et attend. Vingt heures sonnent à la pendule c’est le moment que choisit Amélie pour entrer à son tour. Au chat et à la souris

La voilà enfin… toute la journée, ils n’ont cessé de jouer au chat et à la souris tellement ils étaient occupés à préparer cette belle soirée. Une soirée comme ils les aiment douce, chaleureus­e tendre un moment de simple partage.

Qu’elle est belle son Amélie dans sa robe rose thé surpiquée de dentelle au col et aux poignets, elle relève son teint et met en valeur sa chevelure d’un blanc de neige.

Jean aime les cheveux d’Amélie très blancs moussus et si doux. Pour l’occasion Amélie a même mis un peu de rouge à lèvres. Ce n’est pas son habitude mais ce soir c’est Noël et Jean est heureux qu’elle fasse sa coquette. Elle a même mis ses perles et ça, c’est pas souvent !

Qu’il avait eu du mal a les choisir, pas trop grosses, pas trop petites c’était son cadeau celui qu’il lui avait offert pour leurs cinquante ans de mariage, son cadeau d’amour, de tendresse, de remercieme­nt pour toutes ces années passées cote à côté, l’un avec l’autre, l’un pour l’autre.

Jean a terminé son repas, Amélie encore une fois l’a régalé de son merveilleu­x ragoût. Le feu dans la cheminée finit de se consumer Jean réunit les morceaux de chêne sur les braises et va se coucher. La table de fête est desservie, il ne reste que le centre de table sur la belle nappe blanche les bougies sont éteintes tout est calme dans la vieille maison de pierres. Jean entre dans la chambre le plafond de poutre et de solives semble soutenir la grande pièce avec force ces arbres façonnés de main d’hommes veillent sur eux depuis combien de génération­s ?

Jean s’allonge dans le lit en pensant à la bonne soirée de Noël qu’il vient de passer avec Amélie, son Amélie.

Amélie n’y est pas ; elle va le rejoindre, se glisser dans les draps doucement. Il attend Leurs regards se croiseront, il l’aime ce grand regard vert, et quand elle plisse ses yeux avec malice avant de lui caresser la joue et de déposer sur ses lèvres un tendre baiser de bonne nuit.

La voilà qui arrive ; Jean tend le bras du côté du lit vide à l’oreiller immaculé sa main se referme doucement, il sourit il est heureux.

Quand même ma jolie, quel bon dîner de Noël tu nous as fait.

Au matin, Jean n’a pas ouvert ses volets. Les voisins s’inquiètent, tambourine­nt à la porte mais Jean s’en fout il a rejoint Amélie et c’est le plus beau cadeau qu’on ait pu lui faire.

Newspapers in French

Newspapers from France