Son épicerie sillonne votre campagne
L’Épicerie d’autrefois. C’est son nom. Depuis trois semaines, installée au volant de son camion, Sandra Paris sillonne la campagne sarthoise. Et fait halte dans de nombreux villages, vides de commerces ou presque. Rencontre.
La Ferté- Bernard.
Un petit coup de klaxon d’antan. L’Épicerie d’autrefois arrive dans un village. C’est La Bosse, ce mardi matin. Il est 11 heures tapantes. Sandra Paris est au rendez-vous. Elle laisse le volant de son camion pour ouvrir son épicerie ambulante. Produits locaux
Avant de saisir sa minuterie… « Je mets ma cocotte. C’est ma petite astuce » , rigole d’emblée cette bonne vivante. « J’aime bien papoter alors parfois, on ne voit pas le temps passer. » Hors de question de prendre du retard sur sa tournée. « Si je veux fidéliser ma clientèle, à 5 minutes près, il faut que je sois ponctuelle. S’ils m’attendent, ils ne reviendront pas. Et c’est normal. » 180 références
Dans son camion, plus de 180 références. Produits frais, yaourts, fromages, légumes, fruits, produits de beauté et d’entretien. « Que de la première nécessité. » Et à des prix raisonnables. Une gamme qui ne demande qu’à s’étoffer. « J’aimerais travailler avec des producteurs locaux et proposer des colis de viandes mais aussi des yaourts, fromages, légumes et fruits locaux. »
Pour l’instant, la quadragénaire se fournit chez les grossistes. « Mon épicerie ne demande qu’à évoluer. Mais j’attends un peu parce que j’ai un milliard d’idées. Je ne vais pas sortir tous mes atouts tout de suite. Si j’avais dû mettre toutes mes idées dès le départ, il m’aurait fallu un 44 tonnes » , plaisante la commerçante.
Qui revient là à ses premiers amours. « J’ai été assistante maternelle pendant neuf ans. Mais la vente me manquait. J’en faisais à domicile d’ailleurs, tout en étant nounou. J’ai eu envie de reprendre le commerce mais dans une boutique, l’investissement est énorme alors je me suis dit pourquoi pas un camion ? »
C’était il y a dix-huit mois. Entre-temps, la mère de famille a lancé une enquête sur Internet pour connaître les besoins, démarché les maires des villages dans un rayon de 50 kilomètres autour de Connerré, où elle réside. Je ne veux pas la guerre
« Je vais dans les villages sans commerces ou avec une boulangerie. Dans ce cas-là, je ne propose pas mon pain à la vente. De même dans les bourgs qui ont un distributeur de baguettes. Je ne suis pas là pour manger le commerce du voisin mais pour proposer un service complémentaire. Je ne veux pas la guerre. D’ailleurs, certains maires ont des projets d’ouverture d’épicerie. S’ils y parviennent, je ne passerai plus dans ces communes. » Deux clientes la première semaine
Ce qui aura demandé le plus d’énergie à Sandra, c’est de trouver son camion. « On a fait beaucoup de kilomètres. Nous sommes mêmes allés à côté de Genève. » Pour au final trouver son trésor à… Avezé !
« Cela a été le plus contraignant dans l’aventure. Au moins, on voit si c’est vraiment ce qu’on veut faire. Et pas juste une idée comme ça, en se levant un matin. »
Aujourd’hui, tout repeint en gris, son camion semble neuf. Et prêt à accueillir ses clients. Mais la première semaine, ce n’était pas ça…
« Je n’ai vu que deux clientes, sur toutes les communes que j’ai parcourues. J’avais vraiment l’impression, dans certains villages, de venir déranger les habitants dans leur tranquillité. » Camion embourbé
Et pour couronner le tout, la toute première journée, la commerçante a dû faire appel à la dépanneuse. « J’ai voulu faire demi-tour mais comme les chaussées sont détrempées, je me suis embourbée. » Tout en autodérision, elle lâche : « ce sont des choses qui nous arrivent une fois, pas deux. Il en faut plus pour me décourager. Maintenant, j’en rigole ! » Bouche-à-oreille
Sandra ne désespère pas. Si pour le moment, il faut bien l’avouer, les clients se font rares, le bouche-à-oreille fera son oeuvre.
« Souvent ils ne savent pas que je suis là alors que j’ai rencontré tous les maires et que la plupart ont distribué des prospectus dans leurs communes. »
Ce matin-là, à La Bosse justement, la voisine de l’autre côté de la rue s’étonne encore de la présence du camion. Non, elle qui habite juste en face, ne l’a pas vu les deux semaines précé- dentes. Quelques minutes plus tard, le mari d’une adjointe vient acheter un fromage. Lui non plus n’avait pas connaissance de sa venue. Mais s’en réjouit !
Quelques paroles et puis, la cocotte sonne. C’est l’heure, en route ! Direction Saint-Denis-des-Coudrais. Là, personne ne viendra s’approvisionner à la petite épicerie.
« Cela ne se met pas en place comme ça, il ne faut pas se décourager même si les premiers jours, ce n’est pas simple, on aimerait voir une file d’attente à son camion comme dans les reportages de Jean-Pierre Pernaut ! » Jouer à la marchande
D’ici quelques semaines, la commerçante avisera. Et modifiera, ou non ses tournées. « Il y a des communes comme Saint- Pierre- du- Lorouër, où il y a une réelle attente, comme à Surfonds où j’ai déjà deux clientes fidèles. D’autres où c’est un flop, comme à Lombron où les habitants semblent être habitués à prendre leur voiture pour aller faire des courses. »
Pour l’heure, il est trop tôt, selon elle, pour tirer des conclusions hâtives. « Il y a plusieurs endroits où mon concept peut plaire. Il suffit de trouver lesquels. »
En attendant, la quadragénaire continue de sillonner la campagne et de « jouer à la marchande » , comme elle s’amuse à dire. Avant de rentrer dans ses pénates. Ou presque. « L’après-midi, il faut réapprovisionner le camion, le nettoyer mais aussi continuer à démarcher les producteurs, les mairies. On ne s’ennuie pas ! » Jusqu’à l’été
La commerçante ambulante se donne six mois pour développer son épicerie. « Je me laisse jusqu’à l’été. Je serai alors passée par toutes les saisons ou presque alors on ne pourra pas me dire que ça ne fonctionne pas à cause du temps. »
Et si elle ne l’envisage pas, la mère de famille, prévoyante, sait d’ores et déjà comment rebondir, si la demande n’était pas assez nombreuse…