Un survivant des gaz moutarde
Après des essais infructueux, c’est la première fois que les Allemands utilisent avec succès les terribles gaz moutarde. Elie Préauchat décrit l’horreur avec précision.
Le soldat Préauchat a pris la route de Langemark (région flamande de Belgique) croise les brancardiers, les balles qui sifflent, la souffrance et la disparition de la plupart des officiers : « Ils se sont cachés quelque part ».
Terrible sens du détail du paysan gallo : « Nous nous allongeons sur la terre couverte de cadavres et nous nous abritons derrière ces braves que nous amoncelons pour nous faire un rempart de chair humaine pour nous préserver des guêpes qui ne cessent de siffler(…) Les obus tombent drus comme grêle. Des camarades, plus froussards que moi pleurent et veulent se sauver, les autres prient (…)
Quelques éclaircies dans ce cauchemar sans fin : en ce mois d’avril 1915, le soldat raconte les échanges de boules de pain entre lignes ennemies. Les Allemands y ajoutent du lard… et des photos de prisonniers français au dos desquelles ils invitent les poilus à se rendre : « Vous aurez la vie sauve et serez bien accueillis. »
Mais quelques heures plus tard, en ce 22 avril 1915, Elie connaîtra les horreurs du gaz ’moutarde’. Il est probablement l’un des seuls à pouvoir décrire aussi précisément ce qui s’est passé ce jour-là, lors de la première utilisation massive de cette arme non conventionnelle.
Vers les 5 heures de l’aprèsmidi, il a vu une fumée jaunâtre sortir de la tranchée. « J’appelle les camarades, tout le monde debout. Nous allons tous sauter, crie-t-on. Les mines sont allumées, dans quelques instants nous serons ensevelis. Je me faufile par de vieilles tranchées toutes remplies d’eau pour aller en arrière. Ayant fait à peine une cinquantaine de mètres, je tombe, je suis empoisonné, le coeur bat très fort, les yeux crient et je suffoque malgré moi, je sens que je vais mourir. Nous sommes quatre camarades tous plus ou moins empoisonnés. Mon camarade Potier ayant un peu de bière dans son bidon m’en donne une gorgée et aussitôt, je sens un léger soulagement. Nous nous trouvons derrière une haie et les gaz se déposent sur les feuilles d’aubépine. Je reprends un peu de forces, je me relève et je veux suivre les autres qui se sauvent en arrière. L’ennemi nous poursuit, lançant des ’Hourras’ et s’arrêtant de temps en temps pour faire des feux de salve sur nous. Je marche toujours à découvert sur la plaine, au milieu de la mitraille. Les arbres sont fauchés, la plaine est couverte de cadavres. Je pense à mon heure dernière. J’invoque la très Sainte Vierge de me protéger sous sa divine protection. Je continue toujours à marcher avec deux camarades qui sont abattus à mes côtés. Le sergent David est traversé par une balle et tombe comme une masse en jetant un cri de douleur. J’y suis me dit-il et sa parole se tait. »
C’est ensuite qu’Elie Préauchat, est fait prisonnier.