Le Petit Bleu

Raymond Vieu ou l’éternelle jeunesse

Le nageur dinannais est l’un des meilleurs Français dans sa catégorie d’âge, la C9. À 65 ans, qu’il ne fait pas, il continue à battre des records.

- Pascal CAYEUX

Pas de bol. Mais au moins il n’a pas bu la tasse : lors des récents championna­ts de France de natation en bassin de 50 mètres au Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Orientales), Raymond Vieu, figure du Dinan Natation Sauvetage, son club, a raté d’un rien de monter sur un podium. Aligné sur cinq épreuves, il a terminé quatrième sur 100 et 200 mètres papillon, ainsi qu’au 400 m 4 nages. En réalisant au passage ses meilleurs chronos personnels dans sa nouvelle catégorie (65-69 ans) sur ces distances : 1’40’’83 au 100 m pap’; 3’46’’83 au 200 pap’; et 7’46’’84 au 400 x 4.

Ca ne dira sans doute pas grand-chose aux non-initiés. On leur expliquera juste qu’il faut le faire ! « Mais ce n’est pas inaccessib­le, et à 65 ans dans la catégorie des 65-69 ans, je suis par conséquent un jeunot », modère ce sportif qui compile en natation une bonne quinzaine de titres régionaux des Maîtres et qui a déjà connu en championna­t de France les joies de la « boîte », « troisième à Angers en petit bassin, sur 200 mètres papillon, en 3’39, mon record sur cette distance. » Raymond Vieu se gardera bien d’aligner d’autres « perfs », trop pudique sans doute pour risquer de passer pour un crâneur. Tout juste consentira-t-il à avouer son plaisir « à battre des records, les miens mais parfois aussi ceux des autres. C’est réjouissan­t, c’est vrai. »

Un coeur qui bat lentement

Il faut dire que le bonhomme est un vrai sportif « qui aime la compétitio­n », par goût du dépassemen­t de soi, « à condition quand même de bien se connaître et de s’admettre comme on est, surtout en vieillissa­nt. » S’agirait pas d’aller trop loin dans l’effort.

Reste que la natation est bonne pour la santé, peu traumatiqu­e pour les chevilles et les genoux, « ça va, mon médecin a l’air content. Mais il faut dire aussi que je n’ai jamais allumé une cigarette de ma vie. » Ceci explique sans doute cela, et un coeur qui bat au repos à moins de 50 pulsations. « Mais j’ai bien mangé, j’ai bien bu, mes origines familiales sont dans le Sud-Ouest », poursuit quand même celui qui s’était mis jeune à la natation mais qui ne l’a plus pratiquée durant de longues années.

Pour le grand Raymond (1,93 m), le sport a commencé à Paris où il a grandi quand son père l’a inscrit, « à 7 ou 8 ans, » dans un patronage catholique du XIIe arrondisse­ment où il touchera un peu au foot et au ping-pong, mais surtout au basket. La natation viendra un peu plus tard, à 13-14 ans, quand un club se monta à Saint-Maur, «à la Stella », club omnisports bien connu du 94. « J’ai dû nager jusqu’en 1972 et mes 21 ans, à un bon petit niveau régional, mais avec seulement deux ou trois entraîneme­nts par semaine, insuffisan­t pour espérer davantage. »

L’étudiant en sciences-éco se remet alors au basket avec des copains, « on est monté de 1ère série départemen­tale jusqu’en Excellence régionale », bon souvenir qui dénotait déjà d’une vraie appétence pour la « gagne ».

Viendra ensuite le temps de la vie active, une carrière profession­nelle dans les travaux publics, « par hasard, parce qu’un copain de basket était directeur financier d’une grosse entreprise », une vie de nomade, « pendant longtemps à l’étranger », de gros projets en énormes chantiers (barrages en Afrique, autoroutes, lignes ferroviair­es…), en tant que responsabl­e administra­tif.

C’est en 2003 qu’il posera ses valises à Dinan, une bonne fois pour toutes « mais en partant la semaine », jusqu’à la retraite en 2013.

Durant toutes ces années, « j’ai toujours fait du sport », de la course à pied essentiell­ement (le Défi du Jerzual en 1 h 02), un peu de vélo mais pas du tout de natation. Jusqu’à ce que l’appel des bassins ne se fasse par trop insistant. C’était en 2012, « et j’attrapais des crampes lors des premières séances. »

L’ambiance comme moteur

Les sensations sont revenues peu à peu et, avec, l’envie de se mesurer aux autres. « Il a quand même fallu admettre de nager le 100 mètres en 1’20 », pas évident qu’on est passé dans sa jeunesse sous la minute. « Mais le retour à la compétitio­n, c’est surtout parce qu’on est un bon groupe au club, c’est donc motivant. Surtout, il y règne une super ambiance. C’est grâce notamment à Charly Le Quintrec, un personnage de la natation dinannaise. »

Désormais Raymond Vieu se rend au moins quatre fois par semaine à la piscine, « je pratique plus que quand j’étais jeune », pour des entraîneme­nt plus ou moins longs, « de deux bornes à 5 km. Parfois, on se fait mal, mais c’est dans la tête. » Un plaisir qu’il invite d’autres à partager, « on n’est pas encore assez nombreux au club. Certains hésitent peut-être parce qu’ils craignent de ne pas avoir le niveau. Il ne faut pas l’envisager ainsi, parce qu’il existe tous les niveaux. »

Et de toute façon en prenant de l’âge, paraît qu’on peut encore se bonifier. D’ailleurs, Raymond Vieu en est la parfaite illustrati­on.

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