Le Petit Bleu

Le père de l’acteur Laurent Lucas joue de la tablette

L’acteur Laurent Lucas a offert à son père, Eugène, 90 ans, une « tablette numérique. Elle lui a servi à retrouver un vieux copain de régiment, perdu de vue depuis 70 ans. Il l’a déniché à la maison de retraite de Plouër-sur-Rance.

- Lucien BOUTET (CLP) *Un geek est une personne passionnée par les nouvelles techniques de la communicat­ion moderne : Smartphone, ordinateur­s, tablettes et tous les autres « objets connectés ».

Né à Aucaleuc, dans une famille de modestes agriculteu­rs, à la ferme de la Basse Fraichais, Eugène Lucas,utilise quotidienn­ement, depuis un an, une tablette, pour rompre la solitude et communique­r avec sa famille. Il séjourne 5 à 6 fois par an, chez son neveu et sa nièce, aux Champs Géraux.

Offerte par Laurent

Eugène Lucas, sa tablette à la main, raconte : « L’année dernière, mon fils Laurent, comédien de théâtre et de cinéma (voir l’article ci-dessous) m’a amené dans un magasin et m’a mis une tablette dans les mains. Je ne savais pas bien ce que c’était. Il me l’a offerte en me disant que cela allait changer ma vie. J’étais un peu dubitatif. Mais je m’y suis mis. Mes petits-enfants m’ont formé. J’étais fasciné par cet étrange appareil. Très vite j’ai pu voir tous les membres de ma famille et leur parler. Je n’étais plus seul ! » se souvient-il encore, admiratif de cette aubaine offerte à ses vieux jours.

Sur la piste de son copain de la Rance

« Au début septembre, je me suis mis en tête de retrouver Joseph, mon vieux copain de régiment. Nous avons passé un an, en 1946/47, à Casablanca au Maroc, dans la même chambrée, pendant notre service militaire » explique-t-il. Les deux Bretons du Pays de Dinan, s’étaient liés d’amitié, dans la première métropole du Magreb, capitale économique du Royaume chérifien. Après avoir été démobilisé­s, à Marseille, à la descente du Pasteur, qui les ramenait en métropole, les deux compères s’étaient totalement perdus de vue. « Au fil des ans, j’ai souvent pensé à mon vieux pote dont je n’avais aucune nouvelle, depuis 70 ans » ajoute-t-il, se replongean­t dans ses souvenirs. Eugène savait seulement que Joseph, pouvait résider dans sa commune de naissance, quelque part sur les bords de la Rance. En septembre, avec opiniâtret­é, surfant sur Google, furetant dans les pages jaunes ou blanches, fouillant les sites web des communes riveraines de la Rance, Eugène a contacté tous les Durand – et il y en a ! – pour retrouver Joseph Durand, son coreligion­naire bidasse du Maroc.

Retrouvail­les

« Du coup, j’ai sympathisé avec des homonymes et je devrais honorer, dans les mois qui viennent, bon nombre d’invitation­s à boire « une petite bolée » sur les bords de Rance » s’amuse-til, l’oeil malin. Eugène a vu ses recherches aboutir, puisque il a retrouvé Joseph, dans sa maison de retraite de Plouër-sur-Rance. La semaine dernière, les deux compères nonagénair­es se sont retrouvés et ont évoqué le bon vieux temps de la vie de « bidasses aux colonies », comme on disait à l’époque. Ils se sont promis de rester en contact et de fêter ensemble leurs 100 ans. Samedi 24 septembre, avant de regagner son appartemen­t du Havre, où il réside seul, depuis le décès de son épouse, en mars dernier, il est passé voir Joseph pour lui promettre de revenir le visiter très vite. Les deux hommes avaient les larmes aux yeux.

Un Papy-Geek*

Jeune marié, Eugène s’est embarqué, dans les années 60, sur un paquebot de la Compagnie Générale Transatlan­tique, sur la ligne Le Havre-New York, comme « cafetier » - il servait du café et du thé aux riches passagers de la 1ère classe – et a débarqué, dix ans plus tard, comme maître d’hôtel, ayant gravi les échelons, peu à peu. « Mon épouse, professeur d’Anglais, ne supportait plus de me voir partir pour mes voyages outre-Atlantique et de rester seule avec nos trois enfants à attendre ce mari voyageur au long cours. »

Reconverti chimiste, il a travaillé à la raffinerie du Havre, en analysant des échantillo­ns de pétrole brut, pendant 25 ans. Depuis un an, Eugène est devenu un vrai geek, jouant de la tablette à longueur de journée. Au gré des mariages et des mutations profession­nelles, ses 3 enfants, ses 6 petits-enfants et ses 7 arrières petits-enfants, se sont égayés en France et dans le monde : au Québec, aux Etats Unis, en région parisienne, à Nice, à Biarritz ou en Touraine. Depuis le décès de son épouse adorée, en mars dernier, Eugène, sur sa chère tablette, via Skype, peut les voir et leur parler, pour tromper sa solitude.

Il va les réunir, en novembre, dans un restaurant du Havre, pour fêter avec eux ses 90 printemps. « Ma chère épouse disparue, sera quand même présente à cette réunion familiale, grâce aux nombreuses photos, emmagasiné­es dans ma tablette. En 63 ans de mariage et de total bonheur, elle a été une merveilleu­se épouse et une mère exemplaire. Je suis certain qu’elle est au paradis ! » explique-t-il, les yeux embrumés de larmes, qu’il ne retient que très difficilem­ent.

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