Aux sources des instruments anciens
Installés à Dinan depuis 16 ans, Olivier Pont, luthier, et Nelly Poidevin, archetière, travaillent pour les musiciens d’aujourd’hui. Mais ils sont amenés, parfois, à reconstituer des instruments anciens.
Le métier de luthier ou d’archetière peut vous mettre dans une drôle de position. Par exemple, quand il s’agit d’aller photographier sous tous les angles une statue du XIIe siècle, sur le portail royal de la cathédrale de Chartres. Là-bas, une association s’efforce « de reconstituer, au plus près visuellement, jouables durablement, des instruments représentés dans la statuaire, les verrières et la clôture du choeur de la cathédrale ». 312 représentations de 26 instruments différents y ont été répertoriées.
Les Dinannais Olivier Pont et Nelly Poidevin ont ainsi reconstitué la vièle à archet de la statue du « jongleur » - terme qui désigne alors les chanteurs musiciens ambulants. Son archet avait disparu. « Il a fallu tenir compte de l’attitude du musicien, de sa position de jeu, pour déduire la longueur », se souvient Nelly Poidevin. Pour la forme de l’archet, les représentations dans les enluminures de l’époque, ou sur d’autres statues, ont donné des indications précieuses. Pour le reste, il s’agissait de fabriquer un archet « jouable » sur l’instrument en question, qui avait été reconstitué, quant à lui, par Olivier Pont.
« La vièle à archet, c’est un peu la guitare d’aujourd’hui ! », sourit l’intéressé. Celle-ci avait dû être conçue « pour animer un repas, pour faire danser, comme le suggère la position des pieds du jongleur ». Au Moyen-âge, les formes de vièles (terme qui désigne les instruments à cordes frottées) étaient très variées. Non seulement d’un pays à l’autre mais d’un usage à un autre. « On n’utilisait pas la même vièle pour jouer dans une église ou pour un grand repas de cour. »
Pour l’archet, la standardisation remonte à la fin du XVIIIe siècle, à l’ouverture du conservatoire de Paris « qui a promu l’archet moderne, celui qu’on utilise encore aujourd’hui », note Nelly Poidevin.
Pour répondre aux besoins des ensembles de musiques anciennes, les deux artisans dinannais sont donc amenés à étudier les traités, les iconographies disponibles (enluminures de manuscrits, vitraux des églises, etc.). Un travail passionnant qui se fait en lien avec les musiciens et, aussi, les spécialistes de l’archéologie musicale. « L’échange avec eux est très intéressant, note Olivier Pont. Ils sont heureux lorsqu’ils arrivent à trouver la place de l’instrument dans un ensemble, quand il ’colle’vraiment à la musique telle qu’elle est écrite. » On sait alors qu’il « sonne » comme il devait sonner à l’origine…