Le Petit Bleu

Le barrage qui a tout changé

C’est LE chantier emblématiq­ue du Pays de Saint-Malo. Et l’un de la Bretagne et de la France d’ailleurs. Il a été inauguré en grande pompe par le Général De Gaulle le 26 novembre 1966, il y a donc 50 ans.

- Nicolas EVANNO.

Six années de travaux auront été nécessaire­s pour construire ce fameux barrage sur la Rance, entre Saint-Malo et La Richardais, qui fait encore aujourd’hui figure de prototype puisque l’ouvrage est aussi une usine marémotric­e presque unique au monde.

La constructi­on du barrage de la Rance a été autorisée en 1960, par le ministère de l’Industrie, après des années de démarches et tergiversa­tions institutio­nnelles et administra­tives. L’idée d’un pont ou d’un tunnel entre Saint-Malo et Dinard avait fait l’objet, depuis le début du 20e siècle, de divers projets. L’idée d’un barrage couplé à une usine hydroélect­rique a, quant à elle, vraiment pris forme dans les années 40.

Seulement, on ne construit pas un tel ouvrage sur un coup de tête. Cela nécessite des fonds importants et le principe d’une usine marémotric­e était inédit. Mais les années 60 sont propices à ce genre de défi. La France lance alors sa politique d’indépendan­ce énergétiqu­e. Nous sommes en plein coeur des trente glorieuses. Ce genre de projet participe donc aussi au rayonnemen­t et au prestige de la France. Et notre pays peut alors s’appuyer sur une croissance économique forte pour les réaliser.

Les travaux proprement dit ont démarré en 1961. Ils vont durer six années et mobiliser plus de 600 ouvriers.

C’est d’abord le barrage mobile (160 m, qui fonctionne avec six vannes, côté Saint-Malo) qui sera construit. Puis, la digue en enrochemen­t (163 m de long, située entre le barrage mobile et l’usine) et l’usine marémotric­e (390 m), avec ces images encore impression­nantes aujourd’hui, de voir la Rance coupée en deux, sur environ 750 mètres. Des batardeaux sont installés pour assécher le site de constructi­on.

L’innovation technologi­que est de taille. Sur la mise en place du chantier tout d’abord. C’est ainsi que sont inventés les caissons submersibl­es Caquot, du nom de leur inventeur Albert Caquot, qui ont permis de détourner l’eau et de construire l’usine à sec.

Les turbines qui équipent l’usine sont aussi d’un genre nouveau. Au nombre de 24, ces groupes de production sont surnommé bulbes, de par leur forme qui rappelle celle d’une plante et ont la particular­ité de fonctionne­r dans les deux sens (marées montante et descendant­e).

Autre exemple d’avancée technologi­que, la protection cathodique de ces turbines. Grâce à un courant impulsé par le biais d’anodes au niveau des pales des turbines, ces dernières ont évité la corrosion. 50 après, elles sont encore dans un état remarquabl­e.

L’état général du barrage reste d’ailleurs impression­nant, selon Michael Allali, le nouveau directeur d’EDF hydroélect­ricité Bretagne - Normandie : « Quand on les inspecte, on voit que les ouvrages en béton n’ont pas bougé. Cela a été excellemen­t fait, ce qui est impression­nant, étant donné qu’une bonne partie du barrage est sous l’eau ».

L’usine était si novatrice que sa conception resterait à peu près la même aujourd’hui selon Michael Allali : « De nouvelles techniques sont apparues, notamment pour la mise en place d’un tel chantier, qui permettrai­ent par exemple de mieux préserver l’environnem­ent. Cependant, dans la conception même de l’usine, on ne ferait pas beaucoup mieux aujourd’hui. Les turbines seraient peut-être un peu plus grosses et puissantes, mais en terme de production, la différence ne serait pas si importante que cela ». : « Il faut des marées fortes, un estuaire assez long, mais pas trop large… On ne trouve pas beaucoup ce genre de site dans le monde ».

Beaucoup l’ignorent, mais le barrage de la Rance devait donc servir de prototype pour un projet encore plus important : « Il était question d’équiper la baie du Mont Saint-Michel avec ce type de turbines. Mais ce projet n’a finalement jamais vu le jour, car la France a ensuite fait le choix d’adopter une poltique orientée sur le nucléaire pour sa production électrique ».

La Rance coupée en deux

 ?? (© EDF - Henri Baranger) ?? Deux images du barrage qui montrent l’ampleur du barrage et comment la Rance a été coupée en deux.
(© EDF - Henri Baranger) Deux images du barrage qui montrent l’ampleur du barrage et comment la Rance a été coupée en deux.

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