Le Petit Bleu

Buffet, ce célèbre méconnu

De la gloire au mépris, c’est un étrange destin que celui du peintre Bernard Buffet, qui avait des attaches à Saint-Cast-le-Guildo. Pour la première fois, une rétrospect­ive lui est consacrée, au Musée d’art moderne de Paris. Pour faire (re) connaître son

- Bernadette RAMEL

L’oeuvre de Bernard Buffet célébrée dans un grand musée parisien ? Ça n’était jamais arrivé. C’est dire que la première rétrospect­ive que lui consacre le Musée d’art moderne de la Ville de Paris est un événement. Une façon de faire (re) connaître l’oeuvre de ce peintre prolifique, qui est aussi « le plus polémique qui soit », selon le directeur du musée, Fabrice Hergott. Le nom de Buffet est célèbre mais, paradoxale­ment, son oeuvre est mal connue.

Car l’artiste fut aussi adulé que décrié. « De ses débuts - à la fin des années 40 - jusqu’aux années 1970, il eut un retentisse­ment inouï, une popularité mondiale dont le mépris qu’il suscita dans le monde de l’art est comme le revers naturel, écrit Fabrice Hergott. Mais son immense succès public a masqué l’ambition de son travail acéré, pérenne et radical. »

Né en 1928 à Paris, Bernard Buffet a, c’est vrai, connu une ascension fulgurante. Il n’a que 19 ans lorsqu’il remporte le prix de la Critique. Il en a 27, en 1955, lorsque la revue Connaissan­ce des arts le place en tête des dix meilleurs peintres révélés depuis la Libération. En 1958, le vernissage d’une exposition à la galerie Charpentie­r, à Paris, tourne à l’émeute. Mais, parallèlem­ent, le désamour des critiques prend de l’ampleur. Un reportage de Paris Match le montrant vivant dans le luxe n’arrange rien. Tout au long de sa vie, son oeuvre déroutera, scandalise­ra.

Avec ses décors dépouillés, sa palette de couleurs sourdes (limitée aux gris et ocres, à ses débuts, du fait de la pénurie de couleurs après guerre), ses figures statiques, ses silhouette­s longiligne­s et graphiques… Buffet montre « l’angoisse et le dénuement, la peur et la pauvreté », selon son ami Pierre Bergé. Son style, que certains qualifient de « misérabili­ste », exerce un pouvoir d’attraction et de répulsion.

Les plages de St-Cast

Une centaine de ses toiles sont exposées au Musée d’art moderne qui veut ainsi montrer « la variété insoupçonn­ée de ce qui restera peutêtre comme une des oeuvres picturales les plus fascinante­s du siècle dernier ». Une partie de la rétrospect­ive est dédiée aux « femmes déshabillé­es », avec notamment les six toiles monumental­es ayant pour thème « Les Plages » (1967).

Ces plages, ce sont celles de Saint-Cast, où l’artiste résidait alors. « Avec cet ensemble, Buffet « fait de la démesure sa mesure » : certaines (toiles) dépassent sept mètres de long, décrit le catalogue de l’exposition. […] Sans érotisme mais avec humour, Buffet joue sur les raccourcis et les angularité­s avec une simplicité graphique qui laisse à penser que les plages de SaintCast, dont il ne peut pourtant se passer, ne sont qu’un prétexte à orchestrer des lignes et des volumes. »

Bernard Buffet a joué sur le sable castin dès l’âge de 7 ans, comme le raconte Yves Sauvegrain dans un ouvrage publié par la commission patrimoine. Saint-Cast était le lieu de vacances de son enfance. C’est là, aussi, que sa mère est tombée malade, en 1945, avant de décéder d’une tumeur au cerveau.

Ce n’est que bien plus tard, en 1964, que Bernard Buffet a acheté la villa « La Vallée ». « Il y installe son atelier et sa famille et jusqu’en 1971, partage son temps entre Saint-Cast et sa résidence parisienne […] Bernard Buffet se montre peu. D’un naturel sauvage, il préfère le silence de son atelier. »

Atteint de la maladie de Parkinson

En octobre 1999, parce qu’il souffrait de la maladie de Parkinson qui l’empêchait de peindre, il s’est donné la mort dans sa propriété du Var.

A Saint-Cast-le-Guildo, une rue porte le nom de Bernard Buffet. En 2013, son gendre Patrick Arnoult a offert à la Ville le tableau « Nature morte aux coquillage­s, fond bleu ». Respectant ainsi le souhait de sa défunte épouse, Virginie Buffet.

« L’angoisse et le dénuement, la peur et la pauvreté »

« Bernard Buffet - rétrospect­ive ». Jusqu’au 26 février 2017 au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 11, avenue du président Wilson. Plein tarif 12€. Réduit 9€. www.mam.paris.fr

Le musée de Montmartre propose aussi, jusqu’au 5 mars 2017, l’expo « Bernard Buffet, intimement », personnali­sée par le fils de l’artiste, Nicolas Buffet.

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