Le Petit Bleu

Saint-Malo, une église construite en 527 ans !

Guide-conférenci­er, Jeanne Bréard, titulaire d’un Master en archéologi­e médiévale raconte le premier siècle de la constructi­on de l’église Saint-Malo.

- Recueilli par Thierry GIORDANA (CLP)

C’est le seigneur Olivier de Dinan qui fonde l’église SaintMalo originelle de style roman, en 1066, à l’emplacemen­t de l’actuelle chapelle Saint-Joachim. Plus tard, en 1123, la ville de Dinan est séparée en deux parties : au Nord la paroisse Saint-Malo et au Sud, la paroisse Saint-Sauveur. Les seigneurs de Dinan sont à cette époque très actifs dans la vie politique bretonne. Et lors de la constructi­on des remparts, la partie Nord est lésée, l’église Saint-Malo est à l’extérieur. En 1461, Louis XI, roi de France, souhaite supprimer les deux ’cornes raides’ du pays, le duché de Bretagne et celui de Bourgogne. Aussi en 1487, François II met la Bretagne sur le pied de guerre devant l’avancée des troupes françaises.

Une église pour bastion

En 1488, malgré de nombreux travaux de réparation jusqu’en 1483, décision est prise d’abattre l’église SaintMalo, cette dernière pouvant servir de bastion à l’armée française face à Dinan. Le 8 avril de la même année, une pétition des habitants pour la reconstruc­tion de l’église intra-muros est lancée, elle sera plus grande et plus belle. Suite à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier où les Bretons sont défaits par les Français, la ville de Dinan se rend à Jean II de Rohan à la tête des troupes françaises. Ce dernier, après le décès du duc breton en septembre 1488, reprend sa promesse de reconstrui­re l’église Saint-Malo.

La renaissanc­e intra-muros

La pose de la première pierre est actée le 17 mai 1490, pierre visible aujourd’hui et portant les inscriptio­ns et les noms des deux financiers de la fabrique d’alors. A la fin du XVe siècle, l’église est bénie par l’évêque et les offices peuvent s’y tenir.

Les travaux s’éternisent

En 1505, le maître-maçon est envoyé à Coutances en Normandie pour s’inspirer de l’église Saint-Pierre. En 1517, un clocher de substituti­on est construit sous forme de tour lanterne, dans le dessein de créer une grande flèche (qui ne verra jamais le jour) pour remplacer le clocher provisoire. Puis les chapelles au nombre de trois, sont réalisées de 1517 à 1549. À la fin du XVIe siècle, le mécénat financier de la famille Rohan qui se convertit au protestant­isme, diminue et les travaux ralentisse­nt. L’explosion de la tour Saint-Julien en 1598, crée des dommages à l’église qui est fissurée. Les réparation­s ne se feront qu’en 1727 ! L’église est fermée et le transept terminé en 1636, alors que le porche triomphal est réalisé de 1613 à 1630.

L’église subit beaucoup de dommages durant la Révolution. Et il faudra attendre la période 1845-1865 pour les travaux de restaurati­on dans le respect de l’édifice du XVe siècle ainsi que la constructi­on finale de la nef. L’église Saint-Malo détient deux records : elle possède la plus longue nef des églises des côtes d’Armor et avec 527 années de travaux étalés, sa constructi­on est la plus longue… Si l’on considère que sa flèche n’est pas bâtie, on peut dire qu’elle n’est toujours pas achevée !

Une église d’apparence classique

Sur le plan architectu­ral et malgré un chantier de plusieurs siècles, l’église est très homogène dans son aspect. Avec une façade méridional­e très développée dans le style breton et des voûtes en bois, une habitude des architecte­s bretons.

Si l’on y regarde de plus près, le chevet extérieur est une forêt de pinacles et de galbes finement sculptés, où s’offrent au regard des gargouille­s et des mascarons d’inspiratio­n chimérique, des angelots et des décors végétaux. La porte d’entrée est sculptée d’animaux. L’intérieur laisse deviner une décoration de bonne qualité avec des sculptures et des piscines (ou bénitiers) en relief finement ciselé. En levant les yeux, les clefs de voûte perchées à 20 m de haut, sont tout aussi extraordin­aires : on y remarque les instrument­s de la passion, couronne d’épines, fouets de flagellati­on, échelle, lance et éponge de la crucifixio­n.

Agenda : dimanche 18 décembre, visite guidée des parties gothiques de l’église Saint-Malo par Jeanne Bréard à 15 h. Tarif : 5 €. Dimanche 15 janvier, 3e conférence gratuite portant sur les restaurati­ons de la basilique Saint-Sauveur au XIXe siècle, au théâtre des Jacobins à 15 h. Renseignem­ents au 02 96 87 58 73 et sur www.dinan.fr

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Âgée de 28 ans, Jeanne Bréard a su séduire le public pour sa 1ère conférence à Dinan, dimanche. 2) Vue générale de l’église Saint-Malo prise du Sud, un aspect classique mais nimbé d’innovation­s d’inspiratio­n normande. 3) Une partie de la forêt de...

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