Le Petit Bleu

Tout augmente, même la Rance

Géré par le barrage EDF, le niveau haut de la Rance devrait croître de 30cm pour retrouver une biodiversi­té disparue mais aussi produire davantage d’énergie renouvelab­le. Une expérience a été tentée mardi.

- Pierre-Yves GAUDART

Une hausse de 20 cm.

Mardi, pendant deux heures et demie, le barrage EDF a rehaussé de 12 à 12,20m (le marégraphe de Saint-Suliac étant le point de référence) le niveau haut de la Rance. 68 volontaire­s issus du monde associatif, des élus, de la pêche, des chantiers navals, etc. étaient répartis sur 40 sites d’observatio­n pour mesurer l’impact de cette montée des eaux. Tant sur les sites de plaisance (cale, pontons, mouillages, etc.) que sur le patrimoine naturel (falaises, cheminemen­t, etc.) et le patrimoine bâti (parkings, murets, etc.). D’après Claude Plaisant, sous-préfet de Saint-Malo, aucun dégât n’a été constaté. Après analyse des données recueillie­s ce jour-là, une autre expérience sera tentée avec un niveau maximum de 12,40 ou 12,50m. Mais l’objectif visé, à terme, serait de remonter le niveau maximum de la Rance de 30cm. Marées artificiel­les. Depuis 1995, l’estuaire est en effet limité à 12m, à la suite de dégâts causés sur une digue. Un niveau bien inférieur aux 13,50m que permettaie­nt les marées naturelles avant l’édificatio­n du barrage hydromarin, il y a cinquante ans. Cette artificial­isation des marées a eu des conséquenc­es sur l’écosystème. Il suffit d’arpenter la « plage » de la Ville-Ger, où un point d’observatio­n avait été mis en place pour s’en rendre compte. « Autrefois, on venait se baigner ici » , raconte Christine Terrière, membre de Rance Environnem­ent, qui participai­t aux observatio­ns, mardi. David Boixière, maire de Pleudihen, ne désespère pas de voir cette attraction touristiqu­e renaître sur sa commune. Mais aujourd’hui, la « plage la plus proche de Rennes » est tapissée d’herbus, de chardons, de pissenlits, de ronces. « Même des arbres y ont poussé » , constate François Lang, scien-

tifique missionné par Natura 2000, à l’origine de cette opération de reconquête de l’estran (1).

Envasement. Sur le plan environnem­ental, l’objectif est bel et bien de voir cette végétation terrestre disparaîtr­e, lavée par les eaux salées des marées, au profit de la faune et de la flore maritime. Un impact qui serait plus efficace « si les durées d’étale ne sont pas trop longues » , insistent Christine et son époux Jacques Terrière. Ce sujet concerne aussi l’envasement, forcément. Mais ni EDF, ni le représenta­nt de l’État ne peuvent assurer que hausse et fréquence des marées seraient efficaces dans ce domaine.

Une usine plus productive.

Autre effet attendu de cette montée des eaux : un usage plus productif de l’usine marémotric­e. « Nous pourrions obtenir 1 % d’énergie supplément­aire » , estime Lenaïk Derlot, chargée de l’environnem­ent à EDF. « C’est l’équivalent de la consommati­on annuelle d’une commune de 2.000 habitants. » Une fois les expérience­s abouties, l’usine marémotric­e pourrait bien faire entrer ces nouveaux chiffres dans son calculateu­r dès cette année.

Des usages concur

rentiels. La rehausse du niveau de la Rance ne ramènera pas le fleuve à son état initial. En cinquante ans, certains usages se sont perdus au profit d’autres. Pas moins de 5.000 bateaux sillonnent et mouillent dans l’estuaire. Les points de vue de leurs propriétai­res sont à prendre en compte. Tout comme ceux des pêcheurs à pieds profession­nels, des chantiers navals, des riverains ou encore des promeneurs. Des usages parfois en concurrenc­e et qui pèsent dans une balance où l’aspect environnem­ental doit faire le poids. (1) L’estran est la zone de marnage située entre les limites extrêmes des plus hautes et des plus basses marées. Il constitue un biotope spécifique, qui peut abriter de nombreux soushabita­ts naturels.

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 ??  ?? Sur le site de la Ville-Ger, petit exercice de mesure avec Jacques Terrière, Claude Plaisant, Lenaïk Derlot, David Boixière et François Lang.
Sur le site de la Ville-Ger, petit exercice de mesure avec Jacques Terrière, Claude Plaisant, Lenaïk Derlot, David Boixière et François Lang.

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