Des faux… ou des raretés ?
Plus de 5.000 objets constituent les collections du musée de Dinan. Quelques-uns posent question, dont une clé supposément forgée par Louis XVI ou un calice attribué aux premiers temps de l’église. Faux ou pas, ils font partie de l’histoire du musée.
Des faux, ou de simples reproductions, dans les collections du musée ? À vrai dire, il ne faut pas vraiment s’en étonner. Le musée de Dinan est né au XIXe siècle, à une époque où la copie n’était pas montrée du doigt comme elle l’est aujourd’hui. « L’histoire de l’art démontre que la notion d’authenticité est très récente. La copie ne s’est dévalorisée qu’avec la floraison des musées justement, depuis deux siècles » , explique Frédéric Bonnor, responsable du pôle Musées et collections à la Ville de Dinan. Au XIXe siècle, cela ne dérangeait personne de voir des reproductions aux côtés d’oeuvres originales. « Ce qui comptait, c’était la visée encyclopédique, didactique du musée. On voulait montrer toutes les périodes. Aujourd’hui, le public se sentirait floué » , poursuit Frédéric Bonnor.
N’en doutez pas, la plupart des quelque 5.000 pièces qui constituent les collections du musée dinannais sont authentiques et dignes d’intérêt (lire plus loin). Mais il y a aussi des copies - revendiquées ou non - et des pièces qui intriguent. Comme ce calice attribué « aux premiers siècles de l’église » , cette mèche de cheveux supposément de Napoléon Ier ou cette clé « travail de l’infortuné Louis XVI » .
Il vient tout juste d’être « récolé » , ce calice que Luigi Odorici, le premier conservateur du musée, décrit dans son catalogue de 1850 comme « un calice des premiers temps de l’Eglise, en pierre, taillé en diamant, (rare) » . Cette pièce daterait donc de l’Antiquité tardive ou du haut Moyen-âge. Et aurait la bagatelle de quinze siècles ! « Si c’était le cas, nous aurions là le chef-d’oeuvre du musée !, s’exclame Frédéric Bonnor. Les calices des VIe, VIIe et VIIIe siècles sont éminemment rares, le calice dit de Rimfridus est le seul calice français connu de cette période. » Bon, sans doute ne faut-il pas trop se faire d’illusions. Il n’en reste pas moins que « cet objet mérite une étude plus poussée » . « C’est une pièce très curieuse » , estime Cécile Paris, adjointe au maire en charge du patrimoine et des musées. Reste à trouver le ou les spécialistes qui permettront d’en avoir le coeur net. En tant que Musée de France, il est aussi possible de faire appel au centre de recherche du C2RMF, capable, avec ses technologies de pointe, d’identifier les matériaux et de les dater. « Au pire, ce calice est du XIXe siècle. Une belle copie, c’est déjà une belle copie… Ce qui compte c’est de ne pas berner le public. »
Allez savoir si cette clé, présentée par Luigi Odorici comme le « travail de l’infortuné Louis XVI », a bien été forgée de ses royales mains… « On n’a bien entendu aucun certificat d’authenticité » , souligne Frédéric Bonnor. Certes, celui qui allait finir décapité était un féru de serrurerie. Dans la forge où il aimait se retirer, il fabriquait clés, serrures et cadenas. Reste à savoir si sa production était aussi rustique que cette clé…
Copies de vases antiques
Des copies de céramiques antiques ont été produites à la pelle à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles. Il fallait bien répondre « à la forte demande des collectionneurs et savants en quête d’objets antiques » . C’est ainsi que deux d’entre elles, des cratères à figures rouges, datent supposément « des premiers temps de Rome » et sont « d’une grande rareté » , selon Odorici. Un autre « cratère » , mais plus petit et à vernis noir, est à classer aussi parmi la production de copistes inspirés par les productions d’Italie méridionale. Si on le sait, c’est à cause « d’incohérences dans les décors principaux » et d’autres éléments presque « trop » parfaits ( « ligne de sol trop géométrique, palmettes (motifs en fleurs de palmiers, NDLR) trop symétriques » ). De plus, le musée a d’autres céramiques étrusques : rares et bel et bien authentiques, celles-là !
Un calice vieux de 15 siècles ? Une clé de Louis XVI ? Des moulages
Les musées du XIXe siècle n’hésitaient pas à produire eux-mêmes des substituts : il s’agit, là encore, d’en montrer le plus possible au public de l’époque. « Ce qui comptait, c’était moins l’objet que l’idée qu’il comportait, ajoute Frédéric Bonnor. De nombreux musées possèdent des salles de moulages à l’instar du musée de Dinan. » Pas moins de 129 moulages, provenant de l’Ecole royale des Beaux-arts de Paris, sont mentionnés dans le catalogue de 1850. Il en subsiste « six fragments de grand format constituant deux frises monumentales d’un mètre de haut sur environ trois mètres de longs » . L’une d’elles reproduit une frise du temple de Castor et Pollux à Rome.