Chez D’éco-logique, rien ne se perd, tout se transforme
Mieux que le recyclage, l’up cycling ! A Dinan, un magasin repose sur ce principe et vend des produits issus de matériaux récupérés ou d’objets devenus inutiles. La commerçante, Anne Chaumont, en fabrique aussi.
Le 21 rue de la Mittrie, à Dinan, abrite depuis 2015 un magasin pas comme les autres. A l’intérieur, des tongs usagées devenues des tortues décoratives, des capsules Nespresso® transformées en boucles d’oreilles, des câbles téléphoniques en bracelets, des pneus de vélo en ceintures, des chutes de tissus de sièges autos en trousses de toilettes, des personnages de baby-foot en décapsuleurs…
Le recyclage « par le haut »
Le concept, omniprésent ici, c’est le recyclage « par le haut » . En termes marketing, on appelle ça le « surcyclage » ou « l’up cycling » . Autrement dit, on récupère des matériaux ou des objets devenus inutiles et on les transforme en produits de qualité ou d’utilité supérieure. Et souvent uniques.
En ouvrant ce magasin à Dinan, dénommé « D’éco-logique » , Anne Chaumont est devenue une pionnière. Au point de faire l’objet d’un reportage, à l’automne dernier, sur France 2 dans l’émission « Tout compte fait » . Il faut dire qu’en plus de vendre des objets en matériaux recyclés, la dynamique quinquagénaire en fabrique.
C’est une reconversion radicale pour cette Vosgienne qui a longtemps travaillé dans l’industrie pharmaceutique et bougé dans le monde entier. « Pendant 8 ans, j’ai travaillé chez Procter & Gamble. Au fil des mutations, je suis arrivée en Bretagne et je n’ai plus voulu en partir. »
Après avoir acheté une maison à Combourg, elle intègre, comme responsable commerciale, une société du pays fougerais spécialisée dans la fabrication de cuisines intégrées. Cette entreprise est rachetée en 2012… mais sans Anne. « C’était le moment de changer de vie. J’ai créé ma structure et commencé à fabriquer des luminaires. »
Elle choisit pour cela de très belles matières, utilisées par les fabricants de cuisines : le Corian® - une résine de très haute densité comparable à du marbre artificel - et du Compact®, du stratifié haute résistance. Mais Anne en utilise les chutes devenues inutiles, récupérées auprès d’agenceurs de la région rennaise. Le soir ou le matin, dans son atelier à Combourg, elle créée avec ça des supports de luminaires originaux et solides, ou encore des serre-livres, des presse-papiers, des porte-couverts…
Mais n’allez pas croire que, parce qu’ils sont « surcyclés » , ces objets ne coûtent rien. Si c’était si facile, ça se saurait… « Malheureusement, utiliser de la matière neuve est plus simple que d’aller la chercher dans les entreprises, explique Anne Chaumont. Et puis ça change le processus de découpe : le personnel doit optimiser les chutes, cela prend du temps donc de l’argent. De plus, la manipulation, le conditionnement, transport, la main d’oeuvre, ce n’est pas gratuit ! C’est comme le papier recyclé : il est plus cher parce qu’il faut le retraiter. »
A part celles de métal - comme ce meuble en bidons de pétroles et bonbonnes de gaz, réalisé au Burkina Faso, ou ces pièces d’art patiemment réalisées en Haïti, à partir de bidons de pétrole là encore - difficile de trouver des créations à 100 % recyclées. Les abats-jours des luminaires d’Anne, par exemple, ne sont pas des « récup » . « Un produit recyclé est soumis aux mêmes normes de qualité que le neuf, ajoute-t-elle. Par exemple, ce sac-à-dos en big bags se doit d’être aussi solide qu’un autre. »
Elle refuse de solder
La démarche d’Anne Chaumont se veut éthique et solidaire. Elle fait appel à des centres d’aide par le travail pour la fabrication de ses propres produits. Elle refuse de faire des soldes et préfère garantir à ses fournisseurs un prix rémunérateur. « Le tiers de ce que je vends ici est réalisé par des artisans locaux qui se trouvent à moins de 100 kilomètres. Le reste vient du monde entier. »
Anne a largement diminué son salaire, mais elle aime son travail, qui lui permet d’exprimer sa fibre créative, tout comme elle aime Dinan. Elle prend le temps d’expliquer aux clients comment sont faits les produits, mais « je ne veux pas les bassiner avec des leçons pontifiantes sur l’environnement » . « Je ne suis pas militante le poing en l’air… J’ai une vieille voiture, je mange de la viande. Mais il faut bien commencer quelque part. »
Ce quelque part, c’est « une autre logique économique et écologique » , nourrie d’un certain pragmatisme. « On a plus de pouvoir avec notre carte bleue qu’avec notre carte d’électeur. On a le choix, on n’est pas contraint d’acheter en grandes surfaces. Mais il faut créer l’offre. » D’éco-logique, 21, rue de la Mittrie à Dinan.