Une embauche a mis le feu aux poudres
Six administrateurs de l’association des commerçants dinannais ont démissionné coup sur coup. En cause : le remplacement de l’animatrice salariée. Ce qui fait tiquer ? Le poste, attribué à la soeur d’un élu, nécessite une rallonge de subvention…
Il y a eu des remous au sein du conseil d’administration de Dinan Territoire Commerçant. Après une réunion qui a eu lieu fin mars, et des échanges de mails virulents, six démissions * se sont enchaînées coup sur coup. Quelques semaines plus tôt, l’ancien président de l’association, Frédéric Guillemot, avait déjà lâché son poste de trésorier, parce qu’il n’était « plus en accord avec la ligne de conduite des deux présidents » , nous dit-il.
Au final, sept départs en peu de temps, dans un conseil d’administration qui comptait treize membres. Ce qui a mis le feu aux poudres ? Le remplacement de l’animatrice de l’association, Ingrid Laisné. Après neuf ans à ce poste, elle a souhaité mettre fin à son contrat. La nouvelle salariée, Sophie Le Borgne, n’a pas du tout le même profil. Diplômée à bac +5, elle a fait carrière dans l’hôtellerie et le tourisme, a été directrice commerciale avant de revenir à Dinan, sa commune d’origine. Un parcours qui justifie des prétentions salariales. Le poste, qui passe de 31 heures par semaine à un temps plein, coûtera pratiquement 30 % de plus.
+ 8.000€ de subvention
La municipalité est prête à suivre via une rallonge de 8.000€ (la subvention s’élèverait à 34.000€ dès cette année, pour couvrir salaire et charges, contre 26.000€ l’an dernier). En contrepartie, l’animatrice sera tenue d’effectuer des missions pour le compte de la Ville, équivalent à cinq heures de travail hebdomadaires. Le tout doit passer par la signature d’une convention qui est en cours de rédaction (et devra, d’ailleurs, être votée en conseil municipal).
C’est ce montage - et le fait que la nouvelle animatrice soit la soeur d’un élu - qui a suscité un désaccord au sein du conseil d’administration. Forcément, la situation donne du grain à moudre à ceux qui jugent les coprésidents trop proches de la mairie… « Si augmentation de subvention il y a, il faut qu’elle serve au financement d’activités supplémentaires de l’association, pas au salaire de l’animatrice, estime l’un des démissionnaires, Aymeric Salanson. Le CV de cette personne me semble surdimensionné par rapport au poste, qui devient trop onéreux. De plus, on n’a aucune garantie sur la pérennité de la subvention. On est pieds et poings liés avec la mairie. Je n’ai rien contre celle-ci, mais il faut savoir garder ses distances. L’association doit travailler avec la municipalité, pas pour la municipalité. Chacun son job. »
Autre point sensible, la procédure de recrutement. « Les présidents ont toute autorité pour embaucher… mais il est vrai qu’on a été mis devant le fait accompli » , convient Hervé Godest, autre démissionnaire. « Le poste n’a pas été ouvert, il a été attribué. Ça s’est fait en catimini et ça me dérange » , indique Aymeric Salanson.
Pour autant, Maxime Jullien, coprésident, réfute tout « copinage » (lire ci-dessous). S’il a sollicité la mairie, ce n’est qu’après avoir discuté avec la personne pressentie, qui souhaitait un temps plein. De son côté, Olivier Bobigeat, élu chargé du commerce, nie également toute intervention dans le recrutement, de sa part ou de la part d’autres élus. « Les présidents ont fait leur choix en toute indépendance. » Il se défend d’ailleurs de vouloir mettre l’association sous sa coupe. Simplement, la signature d’une convention lui paraît naturelle à ce « niveau de subvention » .
Il n’empêche que la nouvelle animatrice oeuvrera bien pour la Ville. « Sur des missions précises » , dit l’élu. « L’association ne représente pas tous les commerçants. Le fait de la détacher sur des actions Coeur de ville, ce n’est pas incongru. Nous répondons à la fois aux besoins de l’association et à une situation pas simple, celle des centres villes. »
Des missions précises
Que lui demandera exactement la mairie ? Principalement des études d’impact nécessaires, par exemple, à des demandes de subventions (Fisac, Région) ou au classement de Dinan en ville touristique. Afin d’appliquer la taxe sur les friches commerciales, « on a aussi besoin de répertorier les pas-de-porte non occupés ». Pour toutes ces tâches, « on avait un manque à la mairie, mais cela n’aurait pas occupé un poste à temps plein ** » , précise Olivier Bobigeat.
Lequel ne s’inquiète pas, d’ailleurs, pour l’avenir de l’association des commerçants. « Le débat semble s’être un peu passionné au sein du bureau. Certains n’ont pas pris de recul pour analyser la situation. Ce n’est pas parce qu’on finance 4 heures de plus que ça remet en question l’indépendance de l’association. On donne de l’importance à un problème qui va passer. Il est urgent d’attendre avant de s’inquiéter. »
* Aymeric Salanson, Hervé Godest, Hervé Lachiver, Laurence Albert, Anita Robert, Sophie Guépin.
** A noter que la Ville a, par ailleurs, recruté une personne qui est chargée à la fois de la mise en place de l’Agenda 21, de la redensification de l’habitat de centre-ville, de l’aménagement urbain et du cheminement piéton. « Une de ses missions sera donc de créer les conditions favorables à l’accès aux commerces du centre-ville » , indique Olivier Bobigeat.