Le Petit Bleu

Beaussais-sur-Mer, appellatio­n d’origine contestée

Ploubalay, Trégon et Le Plessix-Balisson réunies dans une commune nouvelle à qui il fallait trouver un nom. La baie qu’elles partagent l’a fourni. Le collectif Construire la Bretagne n’apprécie pas. Mais sur place, tout le monde semble s’en satisfaire.

- P.C.

La tendance est au rassemblem­ent des communes. Le législateu­r encourage ces unions libres. Dans le pays de Dinan, Jugon-les-Lacs et Dolo ont opté pour ce nouveau pacte communal. Tout comme Ploubalay, Le Plessix-Balisson (pour cellesci, c’était dans l’air depuis un moment) et Trégon.

Pour nouveau nom, ces trois dernières ont choisi Beaussais-sur-Mer, du nom de la baie qui les borde. Plutôt logique et en tout cas plus heureux que certains nouveaux noms bien plus anonymes comme Les Moulins, nouveau nom choisi pour sceller la fusion entre Plémet et La Ferrière, mauvaise idée au point que les élus de ces deux communes y ont finalement renoncé pour ne retenir que… Plémet.

Beaussais-sur- Mer… Personne n’a l’air d’y trouver à redire. Sauf le collectif Construire la Bretagne ( 1) qui, sur son site internet ( www. construire­labretagne. bzh) n’y va pas avec le dos de la cuillère. « Imaginerai­t-on en Corse un Propriano ou un Porto-Vecchio devenir Beaussais-sur- Mer » , s’interroge d’abord le collectif.

Ensuite, s’il reconnaît l’existence du nom Beaussais, il le relie historique­ment « à un château construit en 1842 par Victor Le Boüetoux de Bregerac », la baie ne prenant ce nom que par la suite et selon la volonté des châtelains, après avoir été d’abord appelée « baie de SaintJégu jusqu’au XVIIe siècle puis baie du Drouet jusqu’au XVIIIe ».

Le « sur-mer » est-il porteur d’exclusion à terme ?

Surtout, l’extension « sur mer », « qui date d’un siècle et n’a vraiment rien de moderne » est critiquée, non pas d’un point de vue géographiq­ue incontesta­ble, mais pour ce qu’elle porterait comme défauts à retardemen­t, selon le collectif : « économie exclusive de la villégiatu­re favorisant l’exclusion foncière, hausse des taxes liée à la nécessité pour les résidents permanents de payer les équipement­s temporaire­s liés au pic de la fréquentat­ion estivale ( parkings, station d’épuration…), endettemen­t des communes, baisse de la population résidentie­lle, vieillisse­ment irréversib­le, exclusion des jeunes, ségrégatio­n sociale, mono-activité touristiqu­e fonctionna­nt deux mois sur douze et tuant les activités pérennes. » Rien que cela. Ce serait les conclusion­s de scientifiq­ues sur une trentaine d’années d’études. Et encore, on en passe et des meilleures, les cas des voisines de Saint-Jacut-dela-Mer et de Saint-Briac-sur-Mer étant cités en exemple de gentrifica­tion.

Mais qu’en pensent les principaux intéressés, les habitants de Beaussais-sur-Mer eux-mêmes ? Le vent de la contestati­on n’a pas l’air d’avoir soufflé bien fort, il n’est en tout cas pas parvenu à nos oreilles. De toute évidence, en quelques mois, les gens se sont approprié la nouvelle appellatio­n. C’est en tout cas ce que l’on peut ressentir en les interrogea­nt.

« Mais c’est très bien », nous a-t-on clairement répondu dans le seul bar-restaurant de Trégon, où le personnel de l’établissem­ent en plein repas post-service a à peine levé les yeux de son assiette à l’évocation du sujet. Comme s’il n’y avait pas de sujet, du reste. Et un vieil habitant de la commune s’est déclaré tout aussi convaincu, n’y voyant rien à redire.

À Ploubalay, le patron d’un bar ne répond pas autre chose, à titre personnel, « mais j’habite en Ille-et-Vilaine », et pour ce qu’il a pu en entendre causer de ses clients. « Non, non, ça ne déplaît pas, ça ne râle pas en tout cas », en avouant quand même qu’il y avait bien « quelques anciens qui s’inquiétaie­nt de perdre le nom de Ploubalay. Mais ç’a l’air de se tasser. »

Un de ses clients est moins convaincu, « pour y avoir vécu auparavant, pour moi ça restera toujours Ploubalay et Trégon. Mais maintenant, j’habite à Lancieux… » Comme cette dame pour qui les gens restent de toute façon attachés aux noms de leur village, « chez moi, on habite La Mettrie, pas Lancieux », à plus forte raison peut-être parce que le hameau est aux portes de… Beaussais-sur-Mer. Au final, quand il y a critique, ce n’est pas tant sur le nom que sur la pertinence de la fusion qu’elle se porte.

Mais au fait, comment s’appellent les habitants de Beaussais-sur-Mer ? « Les Beaussois ? », se demande-t-on à Trégon ? « Les Beaux c..s », ironise le Lancieutin croisé dans un bar. « Les beausexes », rigole un autre. En réalité, ce sont les Beaussaisi­ens et Beaussaisi­ennes, et la vérité oblige à dire que ce n’est pas manifestem­ent pas encore rentré dans toutes les têtes.

Si le nom de la commune nouvelle passe bien, le slogan qui l’accompagne, « c’est beau, c’est sur mer, c’est Beaussais-sur-Mer », laisse les habitants plus sceptiques. « Peut-on faire plus ringard ? », ne se gène pas le collectif Construire la Bretagne. La vidéo de promotion laisse perplexe aussi, « qui nous fait passer pour des drôles de zozos. Il aurait mieux valu mettre en avant les équipement­s et les commerces », estime un commerçant.

Le maire de Beaussais-sur-Mer (et précédemme­nt de Ploubalay), également conseiller départemen­tal de la majorité de Droite, Eugène Caro, s’en défend. « C’est de la communicat­ion, on voulait proposer quelque chose de drôle », un peu sur un thème à la Marie-Guerzaille, « ça a marché puisqu’on parle de nous », se satisfait l’élu.

« 500 ou 600 logements nouveaux, dont 30 % de sociaux »

Sur le choix du nom, il ne souhaite « pas polémiquer » et se lancer dans des « débats stériles » avec le Collectif Construire la Bretagne, « des gens qui habitent à l’autre bout de la région, qui ne connaissen­t rien de notre histoire et n’ont même pas daigné venir nous voir pour au moins essayer de comprendre. »

Beaussais, « c’est le nom, par la baie, qui relie nos trois communes », appellatio­n choisie, « de manière démocratiq­ue, sur appel à propositio­ns des citoyens eux-mêmes, puis adopté par chacun des trois conseils munici- paux. Il n’y a pas de perte d’identité puisque les trois noms demeurent »

Concernant le « sur-mer » et les risques de perte de population­s à l’année et d’exclusion de certaines catégories, il oppose les permis de construire, « 500 ou 600 logements qui vont sortir de terre dont 30 % de logements sociaux. » Et sur l’identité bretonne, Eugène Caro souligne qu’un Gwen ha du, le drapeau breton, trône en bonne place « dans sa salle des mariages », à Ploubalay.

Il s’en dit persuadé, « la fusion des communes, c’est la seule voie de leur développem­ent. » Une conviction forte et partagée avec ses collègues du Plessix et de Trégon, « nous préparons notre avenir. » Celui de Beaussaiss­ur-Mer, donc…

(1) Avant le collectif Construire la Bretagne, un autre, le Collectif breton pour la démocratie et les droits de l’homme, s’était manifesté sur ce même sujet des noms des communes nouvelles. Dans une lettre ouverte à Jean-Yves Le Drian, il dénonçait « la francisati­on systématiq­ue des nouveaux noms sans prendre en compte l’histoire de la Bretagne. » La Région devrait engager une réflexion sur ce thème.

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