Pierre ne veut plus se cacher
Pierre Durand, à Hénanbihen, a créé une association pour aider les homosexuels en Côtes d’Armor. En témoignant, il espère « donner à d’autres le courage de parler ».
Insultes, rejets, discriminations, harcèlements, chantages, agressions ou licenciements… en 2016, SOS Homophobie a recensé 829 actes visant des personnes gays ou lesbiennes, en France. Un chiffre qui ne faiblit pas. Seule une poignée de cas concerne les Côtes d’Armor, d’après le rapport annuel de l’association. C’est peu, mais déjà trop. Vivre ouvertement son homosexualité, aujourd’hui, ne va pas encore de soi.
Pierre Durand, 56 ans, serait presque, à cet égard, un contre-exemple. Son histoire, il la raconte « pour montrer que les choses peuvent bien se passer, pour donner du courage à des personnes qui n’osent pas en parler autour d’eux » . Comme ses grands-parents, ses parents avant lui, il était éleveur de porcs à Hénanbihen. Marié, cinq enfants. Puis divorcé. « C’est après que j’ai rencontré mon compagnon. On s’est caché pendant six mois. Mais ça ne pouvait pas durer, alors j’ai parlé. Et puis quand on est bien dans sa vie, on a envie de le dire. »
Il s’est entretenu avec ses enfants un par un, « pour qu’on puisse se dire les choses ». « Si ça a été facile de faire ce pas ? Non. Le rejet d’un parent par ses enfants, ça arrive, comme le rejet d’un enfant par ses parents. Pour eux, c’était un deuxième chamboulement après le divorce. »
Pierre, lui, a déjà chamboulé sa vie professionnelle et vendu l’exploitation agricole, après 30 ans dans le métier. A l’époque, il était aussi adjoint au maire d’Hénanbihen. « Cette fonction m’a obligé à aller vers les autres. Ça m’a donné des ailes pour faire autre chose. J’avais développé une fibre sociale. »
Il entreprend des formations. Se forme à l’écoute auprès des associations Aides et Contact. En stage à Steredenn, à Dinan, il participe au lancement des « Rainbow cafés » . Parallèlement, l’idée de lancer sa propre association, pour aider les homosexuels en Côtes d’Armor, fait son chemin. « Avec tous mes proches, ça s’était bien passé, explique-t-il. J’ai eu cette chance. Je me sentais redevable de quelque chose, sachant que ça ne se passait pas bien pour d’autres… »
Les choses se concrétisent courant 2016. Aglaé - pour Armor gays lesbiennes aide et écoute - est née en juillet. Elle compte aujourd’hui une trentaine d’adhérents. Ils viennent principalement de l’agglo briochine, mais Pierre Durand espère développer l’asso sur Dinan, où il travaille aujourd’hui, comme animateur socio-culturel.
« Aglaé propose des apéros-contacts tous les mois. Nous avons aussi organisé cinq randos où il y avait jusqu’à 25 personnes. » Ces moments de convivialité regroupent des gens d’horizons divers. Certains vivent ouvertement leur homosexualité, d’autres non. Certains vont très bien, d’autres non. Par ailleurs, « deux groupes de paroles ont eu lieu. C’est anonyme, gratuit et dans le respect absolu de ce qui est confié ». Pierre a aussi écouté des parents qui pensaient « avoir raté quelque chose » . « C’est normal d’avoir des questionnements, d’avoir peur que son enfant soit rejeté parce qu’il est gay. Je ne juge pas les réactions des gens, je ne connais pas leur vécu. Mais leur parler de mon parcours de vie peut les rassurer. »
A Hénanbihen, le couple ne se cache pas. Et il n’a pas subi de remarques désobligeantes, « pas devant nous en tout cas » . Après le témoignage de Pierre Durand dans plusieurs articles de presse, « des gens m’ont félicité ».
Homophobie ordinaire
L’homosexualité est encore interdite dans plus de 70 pays du monde. En Tchétchénie, le pouvoir en place actuellement veut carrément « l’éradiquer » . « Des homosexuels ont été arrêtés, torturés. Ce n’est jamais qu’à 4.000 kilomètres de chez nous et on peine à y croire. »
En France, une récente polémique a mis en lumière une homophobie plus ’ordinaire’, si l’on peut dire. L’animateur de télévision Cyril Hanouna a dû s’excuser pour une séquence où il avait « piégé » des personnes gays, dans l’émission « Touche pas à mon poste » . « Il y a une part de bêtise là-dedans. Mais il n’empêche que ça peut faire ressentir à quelqu’un déjà mal dans sa peau qu’il est différent des autres », réagit Pierre Durand. Pour lui, il y a donc encore « du chemin à faire » . « Mais quand bien même Aglaé n’aurait aidé que quelques personnes, c’est déjà ça ! », lance-t-il.
« Je me sentais redevable »
Aglaé participera à la Marche des fiertés à Rennes, samedi 3 juin. Rendez-vous à 14 h, esplanade Charles de Gaulle. Assemblée générale de l’association lundi 5 juin, à 11h, suivie d’un pique-nique, à Hénanbihen. Vendredi 16 juin, apéro-contact à 19h ; samedi 24 juin, 17h à 19h, groupe d’échanges. Contact par mail à assoaglae@outlook.fr, page Facebook Aglaé Saint-Brieuc.