Le Petit Bleu

Jules Alix, résistant et humaniste dans la guerre

Des lycéens de la Fontaine des Eaux racontent les actes héroïques de Jules Alix,né le 9 avril 1924 à Calorguen, pendant l’Occupation. Un parcours de résistant où l’humanisme prévaut : il a empêché ses camarades d’abattre deux soldats allemands prisonnier­s

- Émilie, Orlane et Hugo, 2°7, lycée La Fontaine-des-Eaux, sous la direction de leur professeur d’histoire, Gilles Bourrien.

Après avoir étudié au collège des garçons à Dinan, puis avoir été garçon de course chez un notaire, maître Salmon, à 16 ans, Jules Alix est embauché à la Banque Nationale du Commerce et de l’Industrie, une banque de 250 employés. Avant la Seconde guerre mondiale, le gouverneme­nt invite les banques à mettre leurs valeurs à l’abri ; la BNCI choisit Dinan, ville éloignée du front.

Le 24 mars 1944, le jeune homme reçoit une lettre venant de la Feldkomman­dantur de Saint-Brieuc afin de lui imposer le Service du Travail Obligatoir­e. (…)

Un faux certificat médical

Pour échapper à cette convocatio­n qui l’enverrait directemen­t en Allemagne travailler pour son économie de guerre, il obtient d’un médecin un faux certificat médical. Cela lui offre un répit mais de bref durée. Il reçoit une nouvelle convocatio­n pour une contre-visite le 12 avril. Les Allemands tentent un stratagème pour ’l’enfumer’. Le 5 avril 1944, un courrier lui est adressé à la BNCI avec une offre sympathiqu­e. « L’Associatio­n profession­nelle des Banques vient de nous faire connaître qu’aux termes d’une communicat­ion adressée […] par le représenta­nt du Dr. FISCHER, Président du Reichsgrup­pe Banken, les employés de banque français travaillan­t en Allemagne qui ont une certaine connaissan­ce de l’allemand et une formation technique suffisante, peuvent recevoir une affectatio­n dans des établissem­ents bancaires allemands. Les employés de banque français qui bénéficier­aient de ce régime auront droit aux mêmes avantages que les employés allemands. Ils pourront se loger soit comme sous-locataires chez des particulie­rs, soit dans les foyers que certaines banques mettent à dispositio­n de leur personnel. Les salaires sont fixés suivant l’ancienneté dans la profession, la situation de famille, etc. Il est prévu des supplément­s éventuels. […] Le nombre de places est limité et il est probable que toutes les demandes formulées ne recevront pas satisfacti­on, nous avons cependant tenu à vous aviser de la possibilit­é qui vous est offerte. »

Il entre en résistance

Il fait le choix de ne pas répondre à ces appels, devenant ainsi réfractair­e, et de s’engager dans les FFI (Forces Françaises de l’Intérieur). Il change d’identité avec l’aide de la Résistance, d’employés de la mairie de Dinan et grâce à René Fayon. Auparavant, Jules Alix menait déjà des actions de résistance, avec son copain Pierre Fayon, il coupait des lignes téléphoniq­ues entre Bobital et Saint-Carné. (…)

Une vie clandestin­e

Mi- avril il est de nouveau convoqué, puis recherché par la gendarmeri­e de Dinan. Il rejoint, fin avril, une grande ferme sur Brusvily, à 4 km du bourg, où la

famille Josselin le cache. « C’est une grande exploitati­on, trois chevaux, quinze vaches, des cochons, une basse-cour ; ces gens vivent en autarcie. Ils cuisent leur pain, des pains de

six livres. » Il y travaille la journée avec d’autres clandestin­s, les garçons de la famille de la famille qui l’accueille. Certaines nuits où le danger d’une rafle se fait plus pressant, ils sont contraints de dormir à la belle étoile dans une carrière située à quelques kilomètres. Un agent de liaison, une jeune femme, assure leur sécurité et les prévient dès l’approche d’une patrouille allemande.

Tous les 15 jours, il rend visite à ses parents en empruntant des petits chemins à vélo. Ne pouvant dormir chez eux au risque d’être repéré, il passe la nuit chez des voisins des alentours. Un jour qu’il entre dans la maison de ses parents, qui tiennent un café de campagne-charcuteri­e, il est surpris de tomber nez-à-nez avec un soldat allemand. Mais, à son grand soulagemen­t, le soldat ne s’intéresse qu’aux oeufs qu’il rapporte de la ferme. Il en mange une demi-douzaine, paie et s’en va. Toujours à vélo, Jules Alix rentre le dimanche soir sur Brusvily.

Il vole un fusil allemand

C’est le 26 juillet qu’il mène l’une de ses actions les plus risquées. En effet, il entreprend avec Pierre Fayon et Charles Touin de désarmer un allemand endormi. C’est un succès. Charles Touin rapporte ainsi

l’événement. « ALIX m’a dit – on peut désarmer un schleu. Je l’ai crû aussitôt. Nous sommes allés sur les Grands fossés. Un car vide de voyageurs, étant au service de la « Wermacht » se trouvait là. A l’avant était allongé le soldat allemand, chauffeur du car. Il était seul. Sur ses jambes se trouvait un fusil Mauser, la bretelle enroulée autour du pied. Le soldat avait un pistolet à la ceinture et à portée de main. Le F.F.I. ALIX Jules s’est approché en rampant de la porte avant du car, l’a ouverte un peu plus qu’elle ne l’était et rapidement s’est saisi de l’arme. Nous nous sommes enfuis tous les trois, dans la rue des Grands fossés, ALIX portant le fusil, en croisant des passants affolés. Nous avons atteint ma demeure et le fusil a été jeté momentaném­ent dans une planche de haricots. ALIX et FAYON sont sortis par une maison donnant sur la rue parallèle. La ville de Dinan était garnie de troupes et c’est une chance inouïe que, ALIX, FAYON et moi-même, nous sommes sortis de cette aventure. »

Il sauve deux soldats allemands

Début août, il rejoint un groupe de maquisards qui l’attend à Saint-Carné, aux Loges. Là, il réalise l’action la plus marquante de sa jeunesse. A 11 heures du matin, il aperçoit le groupe de résistants forçant deux Allemands à creuser leur propre tombe. Choqué par ce manque d’humanité, il les en empêche et sauve ces deux malheureux. « Un après-midi j’arrive là aux Loges et qu’est-ceque je vois : 7 ou 8 camarades, dont 3-4 que je connaissai­s bien puisqu’on jouait au football ensemble. Mais, surtout, j’ai vu deux Allemands en train de creuser une tombe […] prévue pour mettre un homme. Je suis devenu vraiment en colère. Je leur ai dit : Vous n’allez tout de même pas les tuer ! Je m’adressai à celui qui semblait être le chef à ce moment-là. Bon, il m’a regardé, il a regardé les autres. Un silence impénétrab­le et on attend, on attend. En fin de compte l’après-midi s’est passé et le soir-même nous avons quitté Les Loges pour aller à Calorguen, dans une autre ferme. C’était autour du 4-5 août 1944. » Les prisonnier­s sont finalement remis au capitaine Vannier à Dinan. Jules Alix explique que son éducation chrétienne lui interdisai­t de laisser tuer des hommes désarmés.

Le 6 août 1944, les maquisards sont en action au bourg de Calorguen, équipés de pistoletsm­itrailleur­s et d’une mitrailleu­se, prêts à faire face aux Allemands en déroute, lorsque la rencontre a lieu avec une jeep américaine. Poignées de main, embrassade­s, « on était contents, c’était un peu la fin de notre calvaire » .

Il devient gendarme

La semaine suivante, il doit aller à la caserne Beaumanoir, à Dinan, avec les autres résistants, afin d’être désarmé. Ce sera l’occasion pour les uns et les autres de faire connaissan­ce et de révéler leurs véritables identités. Une nouvelle fois la gendarmeri­e de Dinan le recherche mais pour l’inviter à passer un concours qu’il obtiendra et qui lui permettra de devenir gendarme-auxiliaire. Il est donc démobilisé par la Résistance (…) Le capitaine Vannier, chef militaire du secteur de Dinan, « certifie que le F.T.P. ALIX Jules, matricule 1348, a pris part aux opérations de résistance dans le groupe de Saint-Carné, faisant partie dudit secteur, lequel groupe de Saint-Carné formant maquis à Calorguen » , le 9 décembre 1944.

Le 26 janvier 1960, il reçoit la médaille de réfractair­e attestant qu’il a tout mis en oeuvre pour échapper au STO, conforméme­nt à la loi du 22 août 1950.

 ??  ?? 1) Le résistant Jules Alix deviendra gendarme. 2) Émilie, Orlane et Hugo ont rencontré Jules Alix et recueilli son témoignage. 3) Jules Alix change d’identité.
1) Le résistant Jules Alix deviendra gendarme. 2) Émilie, Orlane et Hugo ont rencontré Jules Alix et recueilli son témoignage. 3) Jules Alix change d’identité.

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