Des chiens bannis pour avoir attaqué des bovins
Le 23 avril, à Languenan, une génisse a dû être euthanasiée à cause de blessures infligées par des chiens. Confisqués sur décision municipale, ils n’en étaient pas à leur première attaque. Pourtant, des pétitions ont été lancées sur Internet pour les sauv
Philippe Le Borgne ne risque pas de l’oublier, ce 23 avril. Ce jour-là, l’éleveur de Languenan a découvert l’une de ses génisses, grièvement blessée dans un champ. Apparemment mordue, elle saignait abondamment, au niveau du poitrail et du cou, et était aussi touchée à l’arrière-train. Un vétérinaire, appelé sur place, a dû mettre fin à ses souffrances. Pour l’agriculteur, pas de doute : c’est l’oeuvre de deux chiens du voisinage, qui ont été vus dans le champ et avaient déjà attaqué des bovins à plusieurs reprises, à l’automne dernier. C’est donc en colère, en bleu de travail et en bottes, que Philippe Le Borgne est allé interpeller les élus, rassemblés en mairie en ce dimanche d’élections.
Au moins trois attaques
Dès lors, le maire Loïc Joly n’a pas tergiversé : quelques jours plus tard, avec des gendarmes, il est allé chez la propriétaire des chiens, en vue de les confisquer. L’un est une chienne, a priori croisée Labrador. Elle s’appelle Kira, 5 ans. L’autre est l’un de ses chiots, Loula, 1 an. Un troisième, propriété d’un proche voisin, a aussi été emmené : Momo, 1 an, est un des petits de Kira et il divaguait régulièrement avec les deux autres. Aucun n’est catégorisé.
D’après Loïc Joly et Philippe Le Borgne, ils étaient déjà responsables d’au moins trois attaques de bovins, dans trois fermes différentes du secteur. Ce qui avait déjà valu aux chiens une première évaluation vétérinaire et aux propriétaires un rappel à l’ordre des autorités. « On a alors clôturé le terrain et acheté des colliers anti-fugue » , certifie Sylvie Jaguin, maître de Kira et Loula. Les faits du 23 avril ont eu lieu « parce que le portail était resté ouvert » , déplore-t-elle.
Une chienne euthanasiée, les deux autres interdits de séjour
Pour Loïc Joly, il était hors de question d’en rester là. « Les chiens ont été amenés en fourrière. Une nouvelle évaluation a été effectuée par des vétérinaires recommandés par la Direction départementale de protection de la population. » Suivant leur avis, qui la classe comme « dangereuse » , le maire a demandé l’euthanasie de Kira. Cela a été fait au cours à la mi-mai, mais sa maîtresse ne l’a appris que la semaine dernière.
« Quant aux deux autres, ils ont été confiés à une Société de protection animale, poursuit Loïc Joly. Ils pourront être adoptés à nouveau mais pas ensemble. J’ai interdit qu’ils reviennent sur le territoire de la commune. » L’édile dit « comprendre que des maîtres soient prêts à tout pardonner à leurs animaux », mais ceux-là commençaient à sérieusement inquiéter le voisinage. « Dans le coin, les gens avaient peur pour leurs enfants, dit-il. Il me fallait exercer mon pouvoir de police afin de garantir la sécurité de la population. »
Recours et pétitions
Les propriétaires ont tout de même porté un recours contre les arrêtés du maire. Ils ont fait appel à une avocate rennaise, en espérant obtenir la suspension des décisions municipales. Une audience était programmée ce mardi 13 juin devant le tribunal administratif, à l’heure du bouclage de notre journal. Le jugement devait, selon toute probabilité, être mis en délibéré.
Parallèlement, une première pétition a été lancée sur le Web le 6 juin, qui a recueilli plus de 5.000 signatures. Le but, sauver Kira, mais pour cela c’est déjà trop tard. A travers une deuxième pétition, les maîtres demandent maintenant le soutien des internautes pour récupérer Loula et Momo.
Ils ont aussi l’appui d’une association de protection animale, « Respectons » . Pour son président, Patrick Sacco, « rien ne justifie l’euthanasie d’un animal, sauf s’il est à l’agonie » . Selon lui, le maire Loïc Joly dramatise la situation, « et décrit ces chiens comme de grands méchants loups qui terroriseraient la population » . « Or, il n’y a pas de preuves irréfutables qu’ils soient à l’origine de la dernière attaque et de plus, les gendarmes n’ont enregistré aucune plainte. » Patrick Sacco estime que l’arrêté du maire a été « expéditif » sachant que l’évaluation comportementale des canidés n’aurait pas été faite dans les règles : « Il y a un protocole à respecter. L’évaluation ne peut pas se dérouler dans une fourrière où l’animal est dans des conditions de stress, voire d’agressivité. Elle doit se passer dans une clinique vétérinaire, ou dehors, et durer 30 à 45 minutes. » Or, selon les informations qu’il a recueillies, « le chien n’a même pas été sorti de sa cage ». « Je suis atterré, scandalisé, de voir que des décisions aussi importantes sont prises dans ces conditions », ajoute-t-il.
Une solution « banalisée » ?
Le président de « Respectons » perçoit l’eutha- nasie comme une solution de facilité « banalisée ». « Un chien n’est jamais perdu, sauf véritable problème neurologique. Mais pour les sauver cela demande du temps et de l’argent. » En l’occurrence, cela exige de « les placer chez des éducateurs comportementalistes » , ce que l’association a fait à plusieurs reprises dans des cas similaires. « Je suis presque certain que si nous avions été prévenus à temps, nous aurions empêché l’euthanasie de Kira. Elle est morte pour rien » , estime Patrick Sacco.
Quant à Philippe Le Borgne, il bondit à l’évocation de pétitions visant à sauver ceux qui ont infligé des blessures à plusieurs de ses vaches. « Les gens qui ont signé ça sont encore plus bêtes que ces chiens ! Ils défendent le bienêtre animal ? Celui des bovins, ils y pensent ? La victime aurait très bien pu être un petit caniche… ou un enfant ! Ces chiens ont des coups de folie… Des lions dans la savane ne font pas pire. Regardez les photos ! ll n’y a pas à hésiter quand même ! »