Le Petit Bleu

Des majorettes au poil

- Agnès ESTEVES DA SILVA

Espèce rare et en voie de disparitio­n, la majorette masculine existe. On a même dégotté l’une des deux seules troupes françaises. Une petite rencontre s’impose.

Des majorettes masculines ? Dès que l’on a eu connaissan­ce de leur existence, on s’est demandé à quoi ça pouvait ressembler. Alors qu’on les imagine en habits de lumière, seyants et proprets, un peu comme pour jouer dans une fanfare, on ne s’attendait pas trop à tomber sur eux. Enfin elles. Ou eux déguisés en elles. Car la joyeuse troupe qui nous accueille s’amuse à jouer les jeunes filles en fleur plusieurs fois par an, maniant le bâton comme personne.

Les majorettes masculines portent finalement bien leur nom, vêtues de blanc, chapeau, chaussures et collants. Les jupettes bleu roi complètent le tableau et font ressortir l’indispensa­ble pompon fixé sur le chapeau.

On s’y croirait presque s’il n’y avait des poils un peu trop partout, des genoux cagneux et des poitrines plates. D’ailleurs, il est interdit de se raser avant une représenta­tion…

Les Kesseksa

Mais, bien sûr, c’est de là que vient leur succès à ces majorettes de pacotilles. « C’est vraiment rigolo et les gens sont dingues de les voir » , assure celle qui mène tout ce petit monde à la baguette depuis plusieurs années. Françoise Allain a repris la troupe des Kesseksa créée en 1977 par un Pluriennai­s. « On a toujours du succès, partout où on passe mais ce n’est pas une caricature de la majorette. On est moins précis mais il y a quand même du travail derrière. »

Populaire

C’est vrai, on était là au dernier entraîneme­nt. Entre fous rires et bienveilla­nce, on s’est même surpris à suivre le défilé. Goguenards, les majorettes masculines ne manquaient pas de bonne volonté mais de concentrat­ion. « Nous sommes un groupe humoristiq­ue. Les spectateur­s sont attirés par ce côté unique, festif. C’est une forme de curiosité mais c’est aussi très drôle. Les vraies majorettes font la gueule quand elles les voient arriver car on est très populaires » , ne peut s’empêcher de commenter Françoise Allain.

« Les vraies majorettes font la gueule » « Tout ce qui est majorettab­le, je prends ! »

Et il est vrai que suivre les chorégraph­ies un rien provocante­s de ces barbus-moustachus sur l’air de « Regardez les majorettes passer », « Les flonflons de la fanfare » ou « Tirelipimp­on Sur Le Chihuahua » , met plutôt de bonne humeur.

Personne ne se prend au sérieux ici sauf Françoise qui essaye de faire tourner les majorettes sur une douzaine de chorégraph­ies pas toujours bien huilées malgré les répétition­s.

Toujours impeccable

La joyeuse bande s’active plus d’une heure dans un jardin pour répéter les mouvements. Indispensa­ble à en croire Françoise qui rassure : « Je ne suis pas inquiète, le jour du défilé, c’est toujours impeccable ! » Ah, pourtant on avait l’impression qu’il restait un peu de travail pour tout coordonner. « Tu lèves pas la patte José, il faut lever la patte ! » , tonne l’un, « Le blanc dans la main droite mais c’est laquelle la droite ? » , demande un autre, « Oh non, à sept on va se perdre ! » , déplore un troisième.

À la télé

Les majorettes se déplacent partout en France mais jamais au même endroit, c’est une règle. Voilà quelques années, elles sont même passées à la télé, avec Christophe Dechavanne, sur Direct 8 et, sésame de l’animation débridée, dans une émission de Patrick Sébastien.

Aujourd’hui, malgré les succès, on ne se bouscule plus pour devenir majorette à Plurien. Alors, Françoise Allain élargit son assiette de sélection et racole dans les vide-greniers qu’elle fait comme antiquaire­brocanteus­e. « Tout ce qui est majorettab­le, je prends » , lance-t-elle avec aplomb. Donc, si vous avez un système pileux développé, peu d’amour-propre et que vous aimez rigoler, vous êtes les bienvenus dans la troupe, Messieurs.

Comme Hubert, de la Mayenne, qui vient parfois le week- end pour les entraîneme­nts, avec son épouse qui le soutient et s’amuse beaucoup. « On est méconnaiss­ables et complèteme­nt inconnus avec les déguisemen­ts » , expliquet-il. Où José, 74 ans, majorette depuis 34 ans, ancien artisan et musicien, qui avoue avoir « toujours aimé danser. »

Et voilà, la répétition est terminée. Chacun va rentrer chez soi après avoir partagé un verre pour se remettre de ses éclats de rire. On a passé un bon moment en compagnie de ces drôles de dames au charme pileux indéniable et on serait presque tenté d’en redemander. Ne les ratez pas si elles passent près de chez vous…

« C’est vraiment rigolo »

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 ??  ?? Les pompons sont les accessoire­s préférés de nos majorettes. Les entraîneme­nts se font sérieuseme­nt plusieurs fois par an.
Les pompons sont les accessoire­s préférés de nos majorettes. Les entraîneme­nts se font sérieuseme­nt plusieurs fois par an.
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Il faut le voir pour le croire mais ils sont bien là à s’entraîner pour jouer les majorettes. Une drôle de troupe, toujours joyeuse mais pas très discipliné­e (Photos Frédéric Olanier et Hubert pour la photo en costume).

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