Le Petit Bleu

Il fait revivre son frère dans le Dinan occupé

Dans son dernier livre, « L’arbre déraciné » , l’écrivain Yves Jacob revient dans sa ville natale, Dinan. Il décrit le parcours d’un jeune résistant, inspiré de son propre frère.

- Bernadette RAMEL

Au moment de la déclaratio­n de guerre, à Lille en 1939, le père d’Yves Jacob ne se faisait pas d’illusions. « Il avait fait 14-18, Verdun… Il savait que les Allemands n’iraient pas se casser le nez sur la ligne Maginot mais contourner­aient par le nord. » C’est pourquoi il a choisi de mettre sa famille en sécurité à Dinan. Yves, lui, était encore dans le ventre de sa mère…

Son frère aîné, Pierre, allait sur ses 18 ans lorsqu’il a découvert pour la première fois la cité médiévale. « Il a été véritablem­ent subjugué par Dinan. Les pavés lui parlaient, m’a-t-il raconté plus tard » , explique Yves Jacob. Ce frère aîné est décédé en 2008. Mais il revit en quelque sorte sous les traits d’Hugo Lebée, le personnage principal du nouveau roman d’Yves Jacob, intitulé « L’arbre déraciné » .

A travers lui, ce sont les dilemmes d’une adolescenc­e sous l’Occupation que l’écrivain raconte. Au collège de Dinan, Hugo rencontre Françoise, communiste convaincue, déjà engagée pour aider les réfugiés. Le jeune homme, lui, tergiverse. Il s’engage dans la Résistance, peine à trouver sa place mais finit par chapeauter un réseau de renseignem­ents. N’empêche, il a le sentiment un peu honteux de mener une guerre de « dilettante » , « une guerre aristocrat­ique d’officier sans troupe » . Le sentiment d’être, malgré les risques encourus, un planqué. Les médailles qu’il reçoit après la Libération, il les range au fond d’un tiroir pour ne plus jamais les ressortir.

Cette anecdote est véridique, la fin du livre ne l’est pas. Nombre de figures secondaire­s, aussi, sont nées de l’imaginatio­n du romancier. « Je construis des personnage­s à partir de faits ténus, de faits recoupés, puis je tire les ficelles » , formule Yves Jacob. C’est ainsi qu’il a procédé pour de précédents livres, dont certains étaient inspirés de vrais faits divers survenus en Normandie, sa région d’adoption.

Un autre de ses ouvrages, « Claudius ou les beaux jours » était nourri, déjà, des souvenirs de son enfance dinannaise et de ses frères et soeurs aînés. Il a aussi écrit « Le Fils du terre-neuvas » , qui se déroule à Cancale. Son plus grand succès, best-sel- ler écoulé à plus de 230.000 exemplaire­s, dans plus d’une quinzaine d’éditions, reste « Marie sans terre » , l’histoire d’une petite Normande du Bessin, au XXe siècle.

L’âme humaine

Yves Jacob a des lecteurs fidèles qui « l’engueulent » parfois quand son nouveau livre se fait attendre, mais ceux-ci se moquent « éperdument » de la région où se déroulent ses histoires. « Ce n’est que le décor ! » L’affaire du romancier est de toucher à la vérité de l’âme humaine. « Et l’universali­té se trouve parfois dans un chemin creux… » Ne lui parlez pas, alors, d’écrivain régionalis­te… « Je déteste ce terme. Cette notion est absurde, ça m’agace profondéme­nt. »

A ce compte- là, « si Maupassant, Flaubert, Barbey d’Aurevilly ou Maurice Leblanc écrivaient de nos jours, ils seraient peut-être considérés, par un Etat parisien centralisa­teur et une presse partisane et bobo, comme de simples écrivains régionalis­tes » , raille Yves Jacob, qui est justement en train d’écrire la préface d’une anthologie « La Normandie comme ils l’ont aimée » à paraître chez Omnibus.

Et la suite ? « J’ai 77 ans, le temps passe… En deux ans, j’ai perdu un frère et deux soeurs. Nous étions huit, nous ne sommes plus que trois. Un livre, c’est six heures par jour dans une pièce pendant deux ans à inventer la vie alors qu’elle s’invente autour de nous. J’ai envie de profiter de l’instant présent… » Quelques jours après l’interview, dans un e-mail, Yves Jacob confie qu’il hésite encore. « J’ai un sujet. » Un nouveau livre est semble-t-il en train de mûrir…

« L’arbre déraciné », Presses de la Cité, collection Terres de France. 250 pages. Prix 19,90€. Dédicace samedi 24 juin, de 10h30 à 12h30, à la librairie rue des Rouairies, à Dinan.

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Yves Jacob sera à Dinan, samedi 24 juin, pour dédicacer son dernier ouvrage, « L’arbre déraciné » , dont l’intrigue se déroule pour partie dans la cité médiévale, sous l’Occupation.

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