Souvenirs du Café de la Gare, à Pleslin
Ce Dinannais a tenu 15 ans le mythique Café de la Gare, à Pleslin-Trigavou, qui a vu passer un bon millier d’artistes. Après une dizaine de métiers, il s’adonne à la poésie.
Voilà cinq ans que Jean Le Marec est rentré au pays et goûte l’ambiance paisible de la place Saint-Sauveur, à Dinan. Dans sa salle de séjour, livres, disques, belle chaîne hifi et quelques tableaux illustrent son amour des arts, des mots, des notes. Un sentiment qui transparaît dans son élégant recueil de poésies. Pas loin de 70 textes, où planent parfois les fantômes de Baudelaire et Ferré. Mais surtout des rimes et des rythmes passés par le regard extérieur et intérieur de l’auteur. Et son « hypersensibilité », héritée de l’enfance.
Inadapté
Jean Le Marec a été interne à Dinan et vécu cela comme une « disgrâce » , une punition, lui qui se révélera « inadapté » et se fera « virer de plusieurs établissements » . Pourtant, le gamin avait des parents enseignants, à Saint-Lormel. « Mon père m’a donné l’amour des lettres. Je puisais, dans sa bibliothèque, les livres qu’il m’autorisait à lire. La pension, c’était une prison pour moi qui pouvait gambader comme je voulais à la campagne. » Cette blessure de jeunesse, il la raconte notamment dans deux poèmes : ’La valise’ et ’Collège’.
Tout comme il décrit, dans ’Sacrifice’, la mise à mort d’un cochon, qu’il observa tout petit, dissimulé par un mur de pierres et qui l’a marqué à jamais, voyant dans l’humain, « une appétence au sang ». Pourtant, c’est une oeuvre humaniste qu’il espère avoir écrite dans ce recueil intitulé ’Les vents silencieux’. Il n’aurait pas pu être éducateur spécialisé, à Evran, s’il n’aimait pas les humains. Il n’aurait pas non pas plus tenu quinze ans le bar-restaurant ’Café de la gare’, à Pleslin-Trigavou.
Le mythique Café de la Gare
Une aventure qui commence en 1981 lorsqu’il rachète un ancien café en ruines, envahi par la glycine. L’établissement d’avantguerre a déjà eu son heure de gloire puisqu’on y guinchait tous les dimanches, profitant de la voie ferrée Dinan-Dinard. « De nombreux clients qui ont connu cette période venaient y prendre l’apéritif, heureux d’y retrouver ces lieux où leurs couples s’étaient formés. » Tandis que l’établissement, à la splendide déco 1910, renaît, avec son restaurant, ses banquets de mariage, etc. il acquiert une belle renommée, grâce aux expos, projections ciné mais surtout aux concerts de jazz hebdomadaires. Un genre musical découvert par Jean Le Marec, là encore, dès la petite enfance. « Mon frère aîné en écoutait et m’y a initié, en quelque sorte, à cinq ou six ans. »
Le Café de la Gare voit ainsi défiler un millier d’artistes, venus du monde entier. Des pointures comme Michel Graillier, ancien pianiste de Chet Baker qui se régalera avec le piano droit de l’établissement. Ou le guitariste Marc Ducret. Ou la formation pléthorique tzigane roumaine ’Taraf de Haïduk » : 18 musiciens venus avec leur traductrice, cuisinière, etc. qu’il a fallu loger dans six ou sept lieux. « Ils faisaient la manche dans les rues de Pleslin, en jouant leur musique, ça avait marqué les esprits » , se marre Jean Le Marec.
Pépin de santé
Certes, le jazz et ses multiples avatars ne sont pas grand public, mais comme les clients viennent parfois de loin, l’établissement, d’une centaine de places, arrive à faire le plein. Jusqu’à un très vilain pépin de santé pour le patron, causé « sans doute par le stress et des repas anarchiques » . Interdiction du médecin, de reprendre ce boulot. « J’ai vendu mais l’éta- blissement n’a pas tenu et a été transformé en maison d’habitation. »
Jean le Marec, une fois sur pied, a été embauché, une nouvelle quinzaine d’années, à Jouyen-Josas, près de Versailles, pour s’occuper de l’entretien d’un centre de recherches et d’études pour les chefs d’entreprise. Retraité, de retour au pays, le voici donc poète, toujours aussi amateur de musique (sur vinyle, pour un son plus authentique), lecteur d’Érasme. Et prêt à tout car « quand on est sensible, on apprend à se blinder » .
Jean Le Marec dédicacera son ouvrage ’Les vents silencieux’, avec son illustratrice Marie-Pascale Saison, samedi 9 décembre, de 10h30 à 12h et de 14h à 17h, à la librairie de la rue des Rouairies. Son ouvrage est également disponible au Grenier. 22€.