Le Petit Bleu

La galère du vendredi soir

- Témoignage de Jean-Yves RUAUX

Train ? Bus ? Fantôme de bus ? Aller de Dinan à Saint-Malo le vendredi soir après 19 h relève de l’aventure quand ce n’est pas de la galère. Et les autres soirs ? C’est éventuelle­ment pire ! Récit de Jean-Yves Ruaux, professeur et journalist­e.

« À la lecture des horaires imprimés ou sur le net, se rendre de Dinan à Saint-Malo, le vendredi soir, est une affaire simple. Sur le papier. Un train à 19 h 11, un bus à 19 h 20. C’est après que ça se complique !

Dinan-Dol-Saint-Malo en 78 minutes !

Le train vous conduit à Saint-Malo en deux actes avec un long entracte. Premier acte : départ de Dinan à 19 h 11, arrivée à Dol à 19 h 36 (TER 854152). Deuxième acte : départ de Dol à 20 h 13, arrivée à Saint-Malo à 20 h 29 (TER854433). Entre les deux, 37 minutes que vous occuperez à humer le grand vent du quai, à vous oxygéner dans les courants d’air du hall de la gare, à suivre les exploits des stars du tiercé au PMU de l’hôtel de la Gare ! Quoi qu’il en soit, 78 minutes sont nécessaire­s pour relier Dinan à Saint-Malo. À vélo, on fait mieux. Le comité de défense des usagers de la ligne a déjà organisé de fructueuse­s compétitio­ns par le passé !

Le bus de 19 h 20 (Tibus ligne 10) vous dépose à 20 h en gare de Saint-Malo. 40 minutes de centre à centre selon l’horaire imprimé ! « Ça, c’est la théorie car le bus vient de Saint-Brieuc mais il faut compter avec les incidents ou les bouchons au départ, donc avec les retards. Si le conducteur a fini son horaire, il ne repartira pas ou n’ira pas jusqu’au bout du trajet. L’autre vendredi, il nous a laissés à l’entrée de Saint-Malo, au Grand Aquarium » , explique Jérôme, abonné de Tibus, Malouin et kinésithér­apeute à l’hôpital de Dinan. Le sexagénair­e porte anorak, foulard et bonnet par habitude des caprices du bus pour mieux lutter contre le froid qui vrille.

La « gare routière », des galettes de tôle !

Vendredi dernier, le 24 novembre, trois usagers attendaien­t l’autobus qui ramène aussi des élèves de Saint-Brieuc pour le week-end en famille. À 19 h, il fait nuit noire. Le bureau Tibus de la gare de Dinan est fermé depuis 17 h 30. Aucune informatio­n actualisée n’est disponible. Le hall de la gare SNCF est éclairé à minima en dépit de son décor classé qui mérite mieux.

La « Gare routière » , sa voisine, se limite, en bout de quais, à de légers auvents, des galettes de tôle largement ouvertes aux vents, à la pluie, au froid, au rhume.

Les bus Illenoo n° 7 (Rennes-Dinan-Dinard) se succèdent à quai avec une rassurante régularité de métronome.

Mais à 19 h 20, le bus 10 Dinan-Saint-Malo n’est pas là. Une blonde lycéenne en Première ES à la Fontaine-des-Eaux assure qu’il ne faut pas s’alarmer. Les retards sont fréquents. Mais c’est sûr, le bus va venir !

À 19 h 23, un Saint-Malo-Dinan, annoncé pour 19 h 05, arrive enfin. Faux espoir. « Mais il va venir. Il est très difficile de sortir de Saint-Brieuc et de tenir l’horaire », rassure la conductric­e. « Mais vous pouvez toujours faire une réclamatio­n », propose-t-elle. « Auprès de vous ? ». « Non auprès des responsabl­es ». « Vous pouvez me donner leurs coordonnée­s ? ». « J’ai fini. Je n’ai pas le temps. Mon service s’arrête à 19 h 30. »

Une dégradatio­n des dessertes dinannaise­s ?

On n’en saura pas plus. À 19 h 40, le bus fantôme fait toujours le fantôme ! Aucun responsabl­e ne s’est déplacé pour annoncer un retard, une suppressio­n ou proposer une prise en charge-taxi des usagers en galère.

Pour Dinan, depuis l’inaugurati­on de la ligne TGV à grande vitesse, les dessertes ne se sont pas forcément améliorées. En semaine, l’ultime train quitte Dinan à 19 h 11 au lieu de 19 h 36 auparavant : 25 minutes plus tôt. Faut pas traîner ! Le samedi, on ne peut plus s’évader de Dinan après 17 h 10 (Tibus 10) et 18 h 08 (TER 854144). Le dimanche, le voyageur dinnanais est privé de tout bus !

Vendredi 24 novembre, à 19 h 50, les phares du bus 10 Dinan-Saint-Malo de 19 h 20 n’ont pas encore troué la nuit de la « gare routière » . Heureuseme­nt, à 19 h 55, dûment réquisitio­nné, le père de la lycéenne a embarqué tous les naufragés du bus 10. « J’ai gardé un bon souvenir de mon service militaire ici » , lâche-t-il en traversant l’aire de l’ancienne caserne Beaumanoir devenue le Quartier de l’Europe. Un conducteur solidaire et de bonne humeur ! Qu’est ce que le voyageur peut demander de mieux ?

Rien sinon, peut-être, une meilleure informatio­n et un service ponctuel de la part du transporte­ur du service public ! »

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