Douce Evrance
De retour au pays, l’ex-ingénieur chimiste a multiplié les preuves d’affection envers Evran. A 84 ans, il livre une belle somme historique au cher pays de son enfance.
Voyageur.
A 84 ans, Christian Martin peut dire qu’il a « roulé sa bosse » . Ingénieur chimiste, il a vécu en Suisse et au Pays-Bas. Il a fini sa carrière comme directeur commercial d’une multinationale américaine, dans le secteur des peintures industrielles, pour la France et le Bénélux. Il a repris racines, à Saint-Judoce, près de la commune de son enfance, il y a quarante ans.
Parachutiste.
De retour au pays, pas question de s’endormir. « J’ai été parachutiste sportif, j’ai toujours eu besoin d’action. » Les sensations seront sans doute moins fortes mais la curiosité reste en éveil : il crée le cercle culturel du Linon en 1987, association d’histoire locale et de culture gallèse dans laquelle il a baigné. Il devient aussi correspondant pour Ouest-France ce qui lui fera côtoyer bien du monde.
Evran, mon village.
C’est le titre de son livre. Evran est un ’gros bourg’ mais Christian Martin préfère parler de village pour souligner son affection pour la commune qui l’a vu grandir. « Je suis né à Paris par accident. En 1938, je suis venu vivre chez mes grandsparents. J’ai appris comme tous les enfants à nager dans la Rance. On était des garnements, c’était la guerre des boutons avec nos lancepierres. » Christian Martin a vu les Allemands s’installer dans sa commune puis déguerpir à la Libération. Des photos, probablement inédites, évoquent cette période, où l’occupant s’invite aux kermesses pour changer des rations ordinaires : « Ils mangeaient la saucisse de la galette mais n’aimaient pas le ’torchon’. » On les voit également défiler en fanfare sur le port d’Evran. La photo du parachutiste français de la SAS (special air force service) qu’il a croisé, à 11 ans, avec sa mère, en allant chercher du beurre à la ferme, figure en bonne place dans l’ouvrage.
Nostalgie.
Elle affleure le livre de Christian Martin. A travers ses photos ou celles qu’il a collectées, l’auteur montre la lente transformation d’un bourg, au fil des décennies et des commerces qui ferment ou s’expatrient dans la périphérie. « C’est le premier signe de la désertification d’un pays » , selon lui. Il met en vis à vis des boutiques et des rues prises hier et aujourd’hui. Evran, riche de son petit port en bord de Rance, est, sur le plan esthétique, une commune comme bien d’autres. Mais elle a contribué à façonner Christian Martin.
Tout le monde se connaissait.
« A l’époque, tout le monde se connaissait, les gens étaient proches, s’entraidaient. J’ai vécu dans de grandes villes et je préfère tellement que l’on reste à l’échelle humaine. Plus on développe les moyens de communications, moins on discute », déplore l’octogénaire qui ne rechigne pas pour autant à utiliser l’ordinateur : « Cela fait partie de la modernité mais je n’y passe pas mes nuits. »
La petite et la grande histoire.
L’ouvrage, chronologique, mêle l’histoire officielle, ’la grande histoire’, comme dit Christian Martin à celle, plus contemporaine, qu’il a recueillie, à travers des témoignages mais aussi dans sa mémoire. « Avant de tirer ma révérence, je voulais laisser un souvenir patent de ce qui s’est passé à Evran. » Ce que l’on peut appeler la grande Histoire, « va de la période gallo-romaine, en passant par la naissance d’Evran en paroisse (lors de l’éclatement des paroisses primitives de Plouasne, Plumaudan et Plesder), à celle du traité de paix des Landes d’Evran supposé assurer la partition de la Bretagne entre Charles de Blois et Jean de Montfort » . On y apprend que l’on battait monnaie sous le règne du Duc Jean III. C’était le denier d’Evran. La commune compta jusqu’à 3.000 habitants, au- jourd’hui ils sont environ 1.500. Elle « perdit sa couronne » lorsque les Champs-Géraux firent sécession en 1934. La petite histoire quant à elle, est « celle qui nous permet de découvrir la vie au quotidien des Evrannais, leurs joies, leurs peines » . On y raconte la construction de l’école en 1902, celle de la salle polyvalente, il y a trente ans ou encore l’histoire de la Poste, etc.