Le Petit Bleu

Léhon est-il vraiment le berceau de Dinan ?

Lors de la fusion, des élus affirmaien­t que Léhon était aux origines de Dinan. Oui mais non. Explicatio­ns avec Simon Guinebaud, chef du service patrimoine.

- recueilli par Pierre-Yves GAUDART

Certes, avant 1040, on ne trouve pas de traces d’occupation humaine du plateau de Dinan. En revanche, l’abbaye Saint-Magloire est fondée dès le IXe siècle, sur le futur site de Léhon. Rien à voir, alors, avec l’abbaye telle qu’on la connaît aujourd’hui (les bâtiments connus les plus anciens datent du XIIe et XIIIe). Quelques moines ont choisi ce lieu parce qu’il est désert. Ils cherchent l’isolement et construise­nt quelques habitats sommaires. Les biens qu’ils peuvent recevoir leur permettent de subsister et de ne pas travailler afin d’être totalement disponible­s pour la prière. Peu à peu, l’abbaye prendra de l’essor. On peut dire, en cela, que Léhon est le berceau spirituel de Dinan puisqu’elle l’a précédée. Le château de Léhon. On a longtemps pensé qu’un château avait existé à Léhon avant celui de Dinan. Mais rien ne le prouve. Certes, Pierre Le Beau, chroniqueu­r au XVe siècle a raconté que le comte de Rennes avait assiégé le château de son frère, le comte de Penthièvre, à Léhon, en 1034. Mais le récit date de cinq siècles après les faits supposés. Aucun autre écrit ne les évoque par ailleurs. En revanche, une thèse de 2012 consacrée à l’histoire des comtes de Penthièvre démontre qu’il n’y avait aucune hostilité entre les deux frères, bien au contraire. Pour Simon Guinebaud, une seule source, c’est contestabl­e.

Dinan fondée en 1040

Les origines de Di

nan. Elle est fondée en 1040 par Josselin, fils du vicomte d’Alet (Saint-Malo) qui a autorité sur un territoire allant de Dol jusqu’à la rive gauche de la Rance. Le Vicomte s’appuie en effet sur ses quatre fils pour renforcer son pouvoir : l’aîné deviendra vicomte, un autre archevêque de Dol, Rivoal fonde Combourg et en devient le seigneur. Quant à Josselin, donc, les droits et terrains qu’il reçoit lui permettent de fonder Dinan. Nous sommes alors dans une période de ’croissance’ pour la région après la fin des invasions vikings. La démographi­e repart à la hausse. Les groupes se déplacent, on défriche des terres. Josselin choisit le site de Dinan et construit un château (sur le site de l’actuelle sous-préfecture) de façon à contrôler son territoire et ses habitants. Pourquoi Dinan plu-

tôt que Léhon. Parce que le plateau, en hauteur, est bien plus vaste pour assurer sa défense et il permet aussi d’anticiper le développem­ent urbain qui va se faire en à peine deux génération­s. Geoffroy, petit-fils de Josselin, s’impose comme homme fort des bords de Rance, à la fin du XIe. Tandis que Dinan se développe d’un point de vue institutio­nnel, politique, etc. Léhon n’est pas un centre de peuplement. Il existe peut-être un hameau à côté du monastère, c’est tout. Quant à l’existence d’un château, elle n’est certifiabl­e qu’à partir de 1150 soit plus de cent ans après celui de Dinan.

Apparition des noms

de communes. C’est en 1040 que le nom de ’Dinan’ apparaît, accolé à celui de Josselin dans un acte. Cinq ans auparavant, Josselin ne portait pas ce nom sur un autre acte.

Le nom de Léhon apparaît sur une charte datée de 1164, à l’époque de Rolland de Dinan. On peut y lire la mention d’un certain Guegonus de Léhon. Simon Guinebaud suppose qu’il s’agit du gardien du château du même nom. Sur une autre charte remontant à la période 1181-1186, apparaît le nom d’ « Ogérius, chapelain (prêtre) du château de Léhon » . Château qui avait été détruit en 1169 par Henri II de Plantagenê­t, en guerre contre des seigneurs révoltés (parmi lesquels Rolland de Dinan).

Naissance de la sei

gneurie de Léhon. Le château de Léhon fait l’objet d’une modernisat­ion et d’un renforceme­nt exemplaire par Juhel de Mayenne (époux de Gervaise de Dinan, petite nièce de Rolland) qui détient, de fait, ce territoire situé au sud de Dinan (qui englobe Plouasne, Bécherel, etc). Pour Simon Guinebaud, cet événement qu’il situe aux alentours de 1218, revient à fonder la seigneurie de Léhon. C’est en cela qu’il considère que Dinan est le berceau politique et administra­tif de Léhon et pas l’inverse. En résumé, les seigneurs de Dinan ont découpé dans leur territoire une portion qu’ils transforme­nt en nouvelle seigneurie pour marquer leur autorité face aux moines de Léhon mais aussi parce qu’il faut un château puissant sur ce territoire dynamique et riche. Les moines formaient une seigneurie éclésiasti­que puissante possédant des terres, des droits féodaux, percevant une dîme. La rivalité était bel et bien réelle. Léhon 800 ans ; Dinan 978. Pour Simon Guinebaud on devrait donc célébrer cette année, les 800 ans de la création de Léhon, en tant qu’entité autonome. Quant aux mille ans de Dinan, il faudrait attendre 2040. Simon Guinebaud précise que les deux seigneurie­s ont été très liées. Au point même que le chevalier d’Avaugour les a vendues toutes les deux en même temps au duc de Bretagne, Jean, lassé d’être en conflit avec lui. Les deux seigneurie­s entraient alors dans le domaine ducal. Aujourd’hui, « la boucle est

bouclée » , Léhon fusionnant avec sa ’seigneurie’ d’origine !

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 ??  ?? Cette gravure a été dessinée dans les années 1600-1610 par le topographe du roi Henri IV, Claude Chatillon qui l’intitule ’Le remarquabl­e gouffre estant près la ville de Dinan’. Tout laisse à penser qu’il s’agit bien du château de Léhon.
Cette gravure a été dessinée dans les années 1600-1610 par le topographe du roi Henri IV, Claude Chatillon qui l’intitule ’Le remarquabl­e gouffre estant près la ville de Dinan’. Tout laisse à penser qu’il s’agit bien du château de Léhon.
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C’est Rolland, seigneur du sud de Dinan qui a probableme­nt commandité la constructi­on des parties romanes de la basilique Saint-Sauveur. Simon Guinebaud y voit « des similitude­s avec l’abbaye de Léhon, qui ne peuvent être dues aux hasard ». Il y a une...
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Simon Guinebaud (archives), chef du service du patrimoine de la ville de Dinan.

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