Le Petit Bleu

« Nous sommes en souffrance »

- B.R.

A l’appel de l’intersyndi­cale FO-CGT de l’hôpital, le personnel des établissem­ents pour personnes âgées, ainsi que les familles de résidents, était invité à se rassembler devant l’Ehpad Maurice Peigné, à Quévert, ce mardi 30 janvier. L’établissem­ent qui aurait dû ouvrir le 25 septembre dernier est pour eux « le symbole fort du dysfonctio­nnement de nos financeurs et de nos décideurs » . L’annonce de l’ouverture tant attendue (lire ci-dessus), fait suite à « quatre mois de silence radio de la part du directeur du Groupement Hospitalie­r de Territoire » , déplore l’intersyndi­cale. Qui ironiqueme­nt dit « merci Monsieur le directeur pour la transparen­ce envers les personnels, les médecins ».

De plus, « rien n’a filtré sur le prix de journée que va payer le résident demain. 60€ ? 65€ ou plus ? » Aujourd’hui, il est de 59,41€ aux Malorines, et 53,49€ au Jardin Anglais (chambre seule). « Les familles vont être mises devant le fait accompli, prévoit Christian Bougis, délégué syndical FO. Si les résidents payent plus cher, il faut des prestation­s au niveau. »

Faute de quoi, ce sont les agents qui sont en première ligne. Or, ils se disent déjà « en souffrance » . Infirmière de nuit, Véronique a une raison de plus d’angoisser. Une fois les deux Ephad fusionnés, elle sera seule pour prendre la responsabi­lité de soins médicaux pour les résidents hébergés à la fois au Jardin Anglais (situé en centre-ville) et à Maurice Peigné (297 lits au total). « Aujourd’hui, il y a une infirmière de nuit dans chaque établissem­ent. Nous sommes six à nous relayer, il ne va en rester que la moitié. » Dans ces conditions, « je risque de devoir prendre des décisions sans voir les gens ».

Sa collègue infirmière de jour aimerait aussi « avoir le temps pour de vraies discussion­s avec les résidents ». Beaucoup sont « très dépendants, avec des troubles cognitifs ». Ce qui aggrave donc « un manque d’effectifs criant ». Dans les Ehpad de l’hôpital, il y a au total 0,54 soignant pour un résident. Les syndicats en réclament « 1 pour 1 » .

Couchés dès 15 heures

Ce ne serait pas du luxe à en juger par le témoignage d’aides-soignantes du Jardin Anglais. Pour leurs anciens, c’est douche et shampoing tous les quinze jours seulement. « Quand ils nous demandent de leur faire les ongles, on est obligé de dire non. » Le week-end, les toilettes sont réduites au strict minimum. « Nous sommes alors deux soignants pour coucher 59 résidents. On commence dès 15 heures pour les plus dépendants. Sinon, c’est 17h30. Certains voudraient bien être couchés plus tard. On en est à éviter les discussion­s avec les familles pour ne pas subir les reproches. On se trouve dans l’échec, dans la frustratio­n du travail mal fait. » De quoi ressentir, aussi, de la culpabilit­é. « On ne peut pas les mettre aux toilettes souvent, alors ils deviennent plus vite dépendants. »

La situation ne serait guère plus enviable dans les Ehpads privés ou gérés par les collectivi­tés, dont certains personnels manifestai­ent eux aussi mardi. Pour les syndicats, « prendre en charge dignement nos aînés, cela passe par des moyens humains, du personnel qualifié. Cela demeure un choix de société, de solidarité nationale ».

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