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Interview exclusive de Bruno Lemaire
“On peut parfaitement conjuguer une nation unie avec le renforcement des régions…”
A l’occasion de sa tournée sur les côtes méditerranéennes, Bruno Lemaire débutait par Canet en Roussillon, ou il était reçu par son soutien Bernard Dupont et ses équipes. Bruno Lemaire nous a accordé une longue interview, sans tabou, que nous vous donnons dans son intégralité
AP : Bruno Lemaire, Issu des rangs de l’ENA, Directeur de Cabinet du 1e ministre Dominique de Villepin, député, puis ministre, vous apparaissez dans l’opinion comme le « renouveau » des Républicains. Comment expliquezvous cela.
BL : « Elu depuis 2007, soit 9 ans d’implication dans la vie politique au sens strict. J’ai pu, entre 2002 et 2003, m’opposer à la guerre en Irak aux côtés de Jacques Chirac et Dominique De Villepin. Directeur de cabinet du premier ministre, j’ai acquis une expérience d’état précieuse. Enfin comme ministre de l’agriculture, j’ai acquis une connaissance des territoires, et aux cotés des agriculteurs, bien appréhender leur difficultés. Des agriculteurs qui sont aujourd’hui maltraités. Ce qui me permet aujour- d’hui de mettre l’agriculture au c?ur de mon programme. Donc aujourd’hui en 2016, je considère allier l’expérience nécessaire et la fraicheur et enthousiasme qui permet de regarder les problèmes, comprendre pourquoi la droite a échoué lorsqu’elle était au pouvoir et donc apporter des solutions nouvelles. Je pense être aujourd’hui au point d’équilibre entre expérience et nouveauté. »
« LA FIN D’UN FAUX SUSPENS »
AP : A l’inverse, l’ancien président battu en 2002, Nicolas Sarkozy, est candidat depuis hier. Sachant que les français attendent un vrai débat d’idées, qu’est-ce qui vous différencie aujourd’hui de NS ?
BL : Tout d’abord je me félicite que l’on sorte de ce faux suspens, que le vrai débat puisse enfin commencer. Les français veulent savoir audelà des effets d’annonces, quel sont les idées, la vision de la France pour les 10 ou 15 années à venir. Un vrai débat, projet contre-projet est attendu. J’insiste sur le fait que selon les candidats les idées ne sont pas les mêmes, contrairement à ce que l’on veut faire croire. J’invite les français à prendre connaissance des programmes. Il ne s’agit pas de la même vision de la France dans cinq ans, selon le candidat pour lequel ils voteront.
« METTRE FIN AUX BARONNIES LOCALES »
AP : Un exemple ?
Prenons le cas du non cumul des mandats que je défends. Sachez que pendant l’été une proposition de loi visant à rétablir le cumul des mandats. J’y suis totalement opposé. Le non cumul des mandats est le seul levier permettant de mettre fin aux fiefs politiques, aux baronnies locales. 3 mandats maximum pour les députés et sénateurs, obliger tous les hauts fonctionnaires qui font de la politique à démissionner de la fonction publique, quand ils sont élus, comme je l’ai fait. Donc rien que sur la vision de la classe politique il y a des visions totalement différentes. Les uns veulent protéger la classe politique telle qu’elle existe aujourd’hui, et pour ma part je propose de la renouveler.
« L’ÉDUCATION AVANT TOUT »
AP : Quelle sera votre priorité :
BL : L’éducation en priorité absolue. La formation de nos enfants, l’apprentissage, de la restauration du primaire, car tout se joue entre 0 et 7 ans. Je suis le seul candidat à faire de cette question éducative et de la reconquête éducative la priorité absolue.
AP : La loi travail a provoqué beaucoup de remous et relancer le débat autour du licenciement et de ses modalités, notamment dans votre camp. Quelle est votre position ?
BL : Je vois que certains proposent la mise en place d’un licenciement « sec », sans aucune cause réelle et sérieuse pour le salarié. Estce vraiment cela que l’on veut instaurer comme modèle social, dans l’entreprise, dans notre société ? C’est une proposition que pour ma part je ne retiendrais jamais. Faisons bien attention aux propositions des uns et des autres, car derrière les détails se cachent une vision totalement différente de la société française et de l’avenir du pays.
« NOUS N’AVONS PAS TENU PAROLE »
AP : Alors que la campagne pour les présidentielles de 2017 est lancée, les conséquences de 2012 ont-elles été tirées par la droite et vous-même ?
BL : En réalité qui s’est posé la question du « pourquoi nous avons été battus » il y a ceux qui se la pose et ceux qui ne se la pose pas. Personnellement je me pose cette question et j’en arrive à une conclusion simple. Nous avons été battus parce que nous avons déçu. Nous n’avons pas tenu parole. Et donc sur les propositions faites, regardez qui tient parole, qui respecte ses engagements, qui a une vraie cohérence dans ses idées.
Qui change d’avis toutes les cinq minutes et qui tient sa ligne avec constance. C’est peut-être là le point le plus important. Nul n’a le droit de mentir aux français en 2017. Ils ont été suffisamment déçus par les 5 années de la droite puis les cinq années de François Hollande, pour que l’on ne leur inflige pas en 2017 des promesses qui resteront non tenues.
AP : Les français se sentent de moins en moins liés avec leurs élus et principalement avec leurs parle- mentaires. Le président de la République que vous aspirez à devenir, ne devraitil pas introduire une dose de proportionnelle pour remobiliser les électeurs ?
BL : Oui, il y a une fracture totale entre les français et leur classe politique. Mais je ne pense pas que la proportionnelle soit une bonne solution.
AP : Quelles sont les solutions pour vous ?
BL : Cela passe par les propositions que j’ai faites : non cumul, limitation du nombre de députés et de sénateurs, car pourquoi demanderions nous des efforts aux français sans en demander aucun à la classe politique ? Ces propositions, qui sont faites dans le but de rapprocher les français de leur classe politique, je souhaite les leur soumettre par voie de referendum en Juin 2017, en même temps que le second tour des législatives. Un referendum sur le renouvellement de la classe politique.
Ensuite il faut d’avantage consulter les français. Pour des projets comme le tracé d’une ligne TGV, un gros ouvrage… il faudra aller chercher les citoyens, connaitre
leur regards, leur volonté, les associer au projet. Ensuite il faudra écouter et respecter ce qu’ils auront dit.
Enfin, il faudra rendre des comptes aux français, et mon projet que je présenterais les 17 et 18 septembre prochain à Sète, sera un projet précis, chiffré et avec un calendrier. Pour cela une équipe sera à mes côtés pour vérifier le respect des engagements, du contrat de mandat. C’est un élément clé pour rapprocher les français de la classe politique. Tenir parole sera essentiel. C’est la une raison principale de la montée du FN. Des élus qui ne respectent pas la parole, l’engagement donné.
AP/ Renouvellement politique, oui, mais en local, les investitures de votre parti ont fait l’exact contraire. Des candidats présents depuis plus deux décennies, des personnalités battues à plusieurs échéances électorales. Maintiendrez-vous ses investitures ou les retoucherez-vous ?
BL : Au lendemain de la primaire, priorité sera donné au rassemblement de la droite et du centre. Vous n’êtes pas sans savoir que cet exercice provoque des déchirements, peu créer des déceptions. Donc le 27 Novembre au lendemain des primaires, il faudra rassembler. Rouvrir les investitures ne serait que facteur de division. Je pense qu’il est sage de préserver l’unité. Ensuite au cas par cas s’il est besoin de renouvellement ou d’accord avec le centre, que l’on puisse modifier une investiture ou deux, oui, mais remettre en cause les décisions de la commission d’investitures ne serait que facteur de tensions.
« LES ENNEMIS SONT CHEZ NOUS »
AP : Depuis 2012 et l’affaire MERAH, les attentats qui ont eu lieu ensuite, le sentiment d’insécurité s’est durablement installé. La suppression de bon nombre de manifestations estivales en sont un syndrome. Quelles sont vos propositions pour lutter ef- ficacement contre le terrorisme intérieur ?
BL : Vous avez raison d’appeler cela le terrorisme intérieur, car les ennemis sont bien chez nous, nés, élevés, passé par les rangs de nos écoles, ce qui rend le combat si difficile.
Première réponse : La force. Ne pas avoir peur d’utiliser la force. La force de sécurités, nos forces de police, de gendarmerie, les moyens de renseignements que nous devons développer, les nouvelles technologies à mettre à disposition de ces forces.
Deuxième réponse, la justice, qui reste le maillon faible du dispositif. Cela s’est bien vu lors de l’assassinat du père Jacques Hamel à Saint Etienne du Rouvray, par un individu muni d’un bracelet électronique. Il faut donner à la justice des moyens d’exception. Je suis pour des mesures d’exception. Lorsque l’on sait qu’un individu, qui plus est fiché et sur le point de commettre un acte terroriste, il faut immédiatement l’interpeler et l’incarcérer. On ne va pas attendre que l’irré- parable soit commis. Il faut être capable de l’interpeler de façon préventive, je l’assume totalement. Si cet individu est ressortissant étranger il doit être expulsé sans délais. On ne doit pas avoir la main qui tremble !
Enfin l’incarcération. La plupart des terroristes sont passés par la case délinquance, puis incarcération, puis radicalisation. Il faut donc arrêter l’amplification de ce phénomène de radicalisation incarcérer ces individus dans des unités spécialisées.
Au-delà de tout cela, le combat contre le terrorisme passera par la reconquête éducative et culturelle. Il faut transmettre à l’école un ensemble de valeurs auxquelles nous sommes attachés. Il faut restaurer la notion de fierté Française à l’école. On ne peut pas demander à des enfants d’aimer un pays qui ne s’aime pas lui-même. C’est là la base pour défendre les valeurs de laïcité, d’égalité homme femme. C’est cela qui permettra de gagner le combat sur le terrorisme sur le long terme.
Enfin le volet international, il faut être cohérent. On ne peut pas lutter contre le terrorisme et garder les meilleures relations du monde avec l’Arabie Saoudite ou le Qatar, deux états sur lesquels pèsent des soupçons de liens avec des mouvances islamistes. Il faut leur demander une clarification, c’est indispensable.
« ON NE PEUT PAS DEMANDER À DES ENFANTS D’AIMER UN PAYS QUI NE S’AIME PAS LUI-MÊME »
AP : Volet immigration. Grande préoccupation des français. Des questions reviennent régulièrement. Pour vous, Assimilation ou intégration, qu’est ce qui prévaut ?
BL : Tout d’abord il faut mieux contrôler notre immigration. L’immigration doit rester un choix et non un fait que l’on subit. Il faut donc durcir les règles du regroupement familial, réduire le flux du au regroupement familial. Ensuite le droit d’asile doit être appliqué de manière beaucoup plus stricte. Si vous êtes débouté du droit d’asile, vous n’avez plus votre place en France, et vous êtes expulsé. On ne va pas revivre l’épisode « Leonarda » à chaque fois que quelqu’un est débouté du droit d’asile. Si l’on veut offrir la protection de la France aux personnes vraiment menacées, encore faut-il reconduire ceux qui ne le sont pas. Enfin sur la question assimilation intégration, je me méfie des débats sémantiques. Je souhaite avant tout que l’on contrôle notre immigration et qu’ensuite toute personne qui est accueillie, respecte les règles françaises, les principes de la république, ne mette pas des lois religieuses à la place des lois de l’état. En France les lois religieuses se soumettent a l’état et non l’inverse. L’égalité homme femme est essentielle. La visibilité des femmes dans l’espace public est non négociable
On peut garder sa culture d’origine en soit, le but n’est pas de faire des personnes déracinées. Mais il doit avant tout respecter le pays qui l’accueille, c’est la seule chose que je demande.
Tout ressortissant étranger qui enfreint les règles de la république Française doit être expulsé
« LA CATALOGNE DOIT DÉCIDER LIBREMENT »
AP : Quelle vision de l’Europe, des nations ou fédérale ?
BL : Des nations. Même s’il y a un projet commun, l’Europe doit s’appuyer sur les nations, leur culture, leur organisation propre. Mais ce projet collectif ne peut se construire, si l’on ne modifie pas les institutions. Elles sont aujourd’hui trop compliquées, déconnectées du citoyen. Pas moins de cinq Présidents pour diriger l’Europe, comment voulez-vous que l’on s’y retrouve. Simplifier les institutions. Ensuite il faut fixer les limites de ce projet. Elles ne le sont pas aujourd’hui. Prenons le cas de la Turquie, il faut lever les doutes. Pour moi, la Turquie n’a pas sa place dans l’Union Européenne. C’est clair. Il faut le lui dire tout de suite, arrêter des négociations qui n’aboutiront nulle part.
Enfin il faut être capable de défendre nos intérêts commerciaux. L’exemple de la fabrication des panneaux solaires qui n’a plus lieu en France au profit de la Chine et à coup de subvention de l’état chinois.
Et pour finir, la défense. Toutes les nations doivent contribuer a l’effort militaire, pas seulement la France. Voici mes grandes orientations pour l’Europe. Elles doivent prendre la forme d’un nouveau projet, qui sera soumis aux français par referendum et dont le résultat sera respecté. Le seul moyen de faire disparaitre le traumatisme de 2005, ou leur vote a été méprisé par la classe politique. Cette blessure ne s’est jamais refermée.
AP : Bruno Lemaire président, qu’elle sera sa position face à la volonté d’indépendance de la Catalogne ?
BL : C’est à la Catalogne de décider de son avenir. En revanche je suis attaché à l’unité de la nation Française, elle n’est pas négociable. On peut parfaitement conjuguer une nation unie, avec le renforcement des régions. Vous verrez dans mon projet un état et le chef d’état recentré sur ses missions essentielles et redonner aux régions plus de pouvoir. Donner plus de pouvoir et de responsabilités aux maires qui restent les élus les proches des français. La notion de région peut être renforcée sans passer par la case autonomie.