“Visa pour l image” ne sert à rien !
Le billet d’humeur de Jean-Pierre Bonnel
Son animateur, Jean-François Leroy, l’a dit lui-même : les photographies présentées dans le cadre du festival sur le photojournalisme sont impuissantes à changer le monde…
Et les mots, les textes littéraires engagés, les pétitions d’écrivains, c’est pareil : ils sont inutiles, ils sont incapables à influer sur le cours des événements tragiques !
En effet, ceux qui mènent le monde, décident des conflits, ne sont pas les artistes, ni les photographes, ni les belles âmes qui écrivent de grands textes ! Ils sont d’ailleurs pourchassés, Hugo en exil, Salman Ruchdie obligé de se cacher, témoins et lanceurs d’alerte pourchassés…
Ce sont les financiers, les marchands d’armes, les rois du pétrodollar, les puissantes multinationales qui dictent leurs lois, qui engendrent les catastrophes : le cynisme et la quête d’argent et de territoires mènent le monde.
“Visa pour l’image” mobilise toujours les foules car c’est un spectacle, une exposition de la misère du monde dans la société du spectacle. Depuis des décennies, les cimaises du patrimoine perpignanais sont couvertes d’horreurs, mais où est l’explication de cet état de fait, la pédagogie, le combat, l’engagement susceptible d’une prise de conscience généralisée, d’un mouvement pour la paix..?
Bien sûr, le spectateur est atterré et puis il rentre chez lui, et la vie (ou la mort) continue…
Bien sûr, il y a quelques conférences, perdues dans le flot des vernissages, des cocktails, des bons mots de nos élus et organisateurs…
La misère et les malheurs du monde au service des mondanités, des échanges politiques et pécuniaires…
Et de l’esthétique : de nombreux visiteurs dissertent sur les plans, la lumière, le cadrage des photos, alors que le photojournalisme, ce ne sont pas les rencontres d’Arles !
Sans oublier que certains photographes exposant à Perpignan “bidouille” leurs clichés pour que “ça fasse plus beau” !
Où, la morale, dans tout cela ?
Bien sûr, comme d’autres, je conduisais chaque année mes élèves voir une ou deux expose, avec préparation et aboutissant à un travail de réflexion : exposé, rédaction…
Mais je me suis lassé, comme beaucoup de citoyens de notre ville. Mais la foule des touristes se renouvelle à chaque mois de septembre. Et pendant ce temps, en Syrie, en Irak…ça bom- barde, ça tue des milliers de civils, ça engendre des millions de migrants !!
Une section de l’université prépare à un diplôme de photojournalisme alors que les débouchés sont de plus en plus minces, les journaux publiant peu de photos de professionnels et s’emparant à peu de frais de clichés d’amateurs… Les pros meurent sur le théâtre de la guerre et sont de moins en moins nombreux…
“Visa pour l’image” peut servir à la renommée de la ville : c’est le seul événement international qui fait parler de Perpignan. Pourtant les maires hésitent à poursuivre l’aventure : Barcelone voulant s’emparer du festival, M. Pujol supprimant les projections de la place de la République pour des raisons de sécurité et surtout d’écono- mies…
M.J.-F. Leroy va bientôt prendre sa retraite. Si une personnalité de son charisme n’est pas trouvée, l’avenir de Visa est sombre !
Pourtant ce festival sert à quelque chose et seulement à cela : injecter de l’argent dans l’hôtellerie et la restauration.
Un peu dans d’autres boutiques et dans la librairie, mais à la marge et de façon éphémère : quinze jours de frénésie photographique pendant lesquels tout un chacun se découvre une vocation d’artiste !
Le tourisme et le commerce sont gagnants, mais les Perpignanais..? Jean-Pierre BONNEL jean-pierre.bonnel @orange.fr
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