L’après-Calais
Le gouvernement a donc choisi une méthode qui, au contraire de la fermeture de Sangatte en 2010, prévoit un "dispatching" solidaire des migrants de Calais dans 130 centres d’accueil et d’orientation en France métropolitaine. Ce serait illusoire de croire que tous vont accepter de s’y rendre et que des tentatives de retour n’auront pas lieu. Mais au prétexte qu’une réussite à 100 % de l’opération n’est pas garantie, il faudrait y renoncer ? Bien entendu l’Etat sera jugé aussi sur sa capacité à empêcher la reconstitution de "jungles" résiduelles, à Calais ou dans les environs. Il est quand même utile de rappeler que l’on parle aujourd’hui de quelque 7.000 "migrants" à traiter dans l’hexagone, quand l’Allemagne en a accueilli des centaines de milliers, et que l’Italie et la Grèce continuent d’en voir affluer des dizaines de milliers.
Car la "jungle" de Calais n’est qu’une des faces hideuses de l’échec collectif des Européens à prendre en charge de façon organisée et collective les devoirs minimums que leur imposent les tragédies migratoires de ce début de siècle. Supprimer le symptôme Calais ne guérira pas la maladie qui l’a provoqué. Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve semble en être conscient lorsqu’il érige le démantèlement de la "jungle" de Calais en véritable "défi humanitaire", tant pour les migrants que pour les communes protestant contre leur venue avec le soutien actif du Front national et d’élus de droite. A lui et au gouvernement de démontrer que le grand nettoyage annoncé ne virera pas à l’opération policière sans lendemain.
L'exécutif veut y croire pour trois raisons. Premièrement lorsque Sangatte a été démantelé, les migrants n'ont pas été pris en charge par les pouvoirs publics. Là, ils vont être relocalisés dans des centres. Deuxièmement, 70 % des 6.000 réfugiés de la jungle sont éligibles au droit d'asile en France. Troisièmement, cette opération doit démontrer que Calais est une impasse et ainsi tarir le flux. Ces derniers points sont loin d’être gravés dans le marbre, cette opération pourrait aussi envoyer un message positif à l’exil vers la France.