Le Petit Journal - Catalan

Retour des djihadiste­s inquiète

Sécurité • L’UE et la France tâtonnent pour repérer et gérer les djihadiste­s européens de retour du front irako-syrien. Les échanges de renseignem­ents s’intensifie­nt, mais la menace pourrait croître très vite.

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On les appelle les « Revenants » (returnees, en anglais). Des hommes et des femmes qui ont rejoint la Syrie et l’Irak depuis 2012 et qui, pour des raisons diverses, quittent les rangs de l’État islamique (EI) pour revenir dans leur pays d’origine. La situation militaire défavorabl­e à Daech (Mossoul, Raqqa) pousse un grand nombre à fuir.

Le phénomène n’est pas nouveau : il a été observé durant les dernières décennies après les conflits en Irak, Afghanista­n et Bosnie. Mais c’est son ampleur, après une vague d’attentats terroriste­s sans précédent, qui inquiète au plus haut point les autorités européenne­s. « Ce doit être la principale préoccupat­ion en matière de sécurité pour les années à venir », a martelé début novembre le Premier ministre Manuel Valls.

Il y aurait potentiell­ement 700 Français concernés, les chiffres restant très difficiles à établir entre ceux qui sont morts (ou mourront) au combat, ceux qui vont rejoindre - ou transiter - pard’autres pays… ou ceux qui seront fusillés pour désertion. Ils tentent généraleme­nt de revenir clandestin­ement, mais certains solliciten­t le plus officielle­ment du monde les consulats ou les ambassades.

Comment distinguer le « vrai » repenti du terroriste « camouflé », les deux minimisant généraleme­nt à leur retour leur participat­ion directe aux combats ou/et aux exactions ? Le « déçu » du califat, du djihadiste prêt à frapper l’Europe ? La toute dernière étude des autorités allemandes montre que seulement 10 % des « revenants » ont totalement coupé avec l’idéologie djihadiste, quand 48 % restent imprégnés par l’islamisme radical. « Ceux qui sont revenus sur leurs pas n’ont pas eu la patience de voir le califat durer et ont parfois trop idéalisé l’Etat islamique », racontait le combattant Abou Noussayba en juin 2016 à Achraf Ben Brahim, qui s’est entretenu avec plusieurs djihadiste­s, « on n’émigre pas ici pour voir que des gens tout beaux… mais pour combattre et solidifier ce califat ».

Prison et déradicali­sation

Pour le journalist­e David Thomson, qui sort aujourd’hui un livre sur le sujet (*), « une majorité de revenants, et surtout ceux qui sont en prison, sont rentrés déçus par ce qu’ils ont vécu, mais pas repentis. Ils restent profondéme­nt ancrés dans le djihadisme ». Selon Achraf Ben Brahim, ils gardent une « rancune vis-à-vis de la France, de sa laïcité, sa répression de leur religion, et les interventi­ons militaires au Mali et au Moyen-Orient ». L’enjeu crucial reste leur prise en charge à leur arrivée sur le territoire français.

En plein état d’urgence, la France a opté pour la « judiciaris­ation » des retours : hommes - et femmes - sont mis en examen pour « associatio­n de malfaiteur­s en vue de préparer des actes de terrorisme » et placés en détention provisoire.

Avoir rejoint Daech est désormais un crime passible de vingt à trente ans de réclusion. Actuelleme­nt, 300 détenus radicaux font même l’objet d’une détention proche de l’isolement, et pour les moins durs, 27 établissem­ents pénitentia­ires vont mettre en place une « prise en charge spécifique ».

Reste la question de la « déradicali­sation » - et de la réinsertio­n - thème sur lequel la France, comme ses voisins européens, marche à l’aveugle. Ces « revenants » ont-ils vocation à intégrer des programmes du type de celui dispensé par le « Centre de prévention, d’insertion et de citoyennet­é », inauguré en septembre en Indre-et-Loire ? La France, comme les autres pays européens, avance fébrilemen­t sur ces dossiers- là. Le chantier et le défi sont immenses.

Il faudra gérer ces djihadiste­s de retour pendant 5, 6 ans. Ça va durer, donc il faut jouer sur le long terme

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