L’apprentissage a du mal à séduire
L’État veut réformer l’apprentissage, perçu comme la voie royale contre le chômage des jeunes. Mais le modèle, très lié à l’activité économique, souffre encore de son image.
Le gouvernement va lancer une concertation pour favoriser l’apprentissage. Une énième réforme de ce qui serait le remède miracle au chômage des jeunes, alors que les effectifs d’apprentis stagnent. C’est le cas dans le département où depuis quatre, cinq ans, ils sont remontés mais restent entre 2000 et 2500 par an.
Un seul CAP ne suffit plus
Des jeunes plus formés, plus âgés et plus autonomes : le nombre de CAP baisse – depuis qu’il n’y a plus de redoublement, les élèves de troisième ont souvent moins de 15 ans et ne peuvent pas travailler – quand les BTS après un bac, les licences et masters pro se multiplient. « Un seul Cap ne suffit plus quand on veut s’inscrire dans un métier », estiment les professionnels.
Mais il existe de grandes différences selon les professions, du cuisinier formé traditionnellement par l’apprentissage et toujours resté de mode dans notre pays épicurien, au maçon moins valorisé et dans un secteur en crise. De la vocation au métier avec débouché, il y a souvent un monde qui s’observe dans les inscriptions aux centres de formation : soit trop peu de places en entreprise, soit trop peu de candidats.
Ainsi , il y a beaucoup plus de jeunes partants pour un CAP pâtisserie ou esthétique que de disponibilités en entreprise… la situation est encore plus visible en mécanique auto. Au contraire le bâtiment, en électricité, maintenance… on charche des bras. « Les jeunes ont du mal à comprendre que s’ils ne trouvent pas de boulot en apprentissage, c’est qu’il n’y a pas de boulot derrière ».
« On n’est pas obligé de faire de sa passion son métier », renchérit crûment un
acteur, alors que l’apprentissage tente de valoriser les métiers . « On a un souci dans le bâtiment et l’agroalimentaire.
Dans le bâtiment, ce sont des métiers difficiles : le travail en plein air, comme la maçonnerie, ne plaît pas aux jeunes. Il y a aussi souvent une simple question de mobilité : de petites entreprises rurales qui veulent des apprentis, sauf qu’à 16 ans, on n’a pas le permis ou les parents ne veulent pas les voir vivre seuls sur place… Dans l’agroalimentaire, continue- t-elle, ils ne
sont pas attirés par les offres importantes de cette industrie, qu’ils trouvent moins valorisantes..
Le bâtiment a besoin de bras
Or le secteur de l’apprentissage est intimement lié à la conjoncture économique : « C’est compliqué pour un employeur du bâtiment de s’engager deux ans avec un jeune quand il n’a pas de visibilité sur son carnet de commandes ». « Avec la relance de l’activité qui se fait sentir, on a un nouveau besoin de formation, nous explique un charpentier membre de la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petitesEntreprises du bâtiment). Mais on manque de jeunes. » C’est le serpent qui se mord la queue…
« C’est un effet de la crise : on a plutôt montré que ce n’était pas bon de venir vers nos métiers. C’est cyclique, c’était déjà comme ça dans les années 90. » Aujourd’hui, les jeunes veulent aussi passer par l’apprentissage pour intégrer des métiers non manuels, notamment dans le secteur des services. Sauf que ce dernier n’a pas la culture des apprentis.
« On a un souci de recrutement d’entreprises dans l’animation, le tourisme et le commerce. Et on n’a pas de réponse à apporter aux jeunes. » C’est sans fin.