Echec et pat
Tout se passe comme si, en Grande-Bretagne pour le Brexit et en Catalogne pour l’indépendance, les acteurs de cette crise n’avaient guère réfléchi aux conséquences, politiques mais aussi économiques. A moins que, de part et d’autre, on se mette d’accord pour rebattre les cartes et convoquer des élections anticipées.
Ainsi , on aurait pu attendre un peu plus d'engagement de la part de l'Europe, même si personne ne conteste la solidarité des États envers l'Espagne. Négocier n'est pas céder, mais négocier c'est faire tomber la tension. Que reste-t-il comme issue à Madrid et à Barcelone ? Probablement des élections provinciales, au risque demain d'une radicalisation dans les urnes et d'une victoire indépendantiste. Ce qui ouvrirait une crise politique grave à Madrid.
Quel que soit le promontoire d’où l’on étudie le paysage européen ces temps-ci, c’est toujours la même histoire d’égoïsmes locaux habillés de mots trop grands que l’on essaie de faire claquer au vent : liberté, identité retrouvée, destin réapproprié… Bruxelles englué dans sa gélatine, admoneste mollement. Et puis il y a le Brexit, vous comprenez… L’Europe, vieux continent d’enfants trop longtemps gâtés alors qu’à Pékin, ces jours derniers Xi Jin Ping annonçait « une nouvelle ère » pour la Chine.
A l'évidence, les plus ultras des indépendantistes veulent attirer le gouvernement espagnol dans une forme d'occupation pour provoquer une réaction de la population. Rajoy a donc tout intérêt à jouer au plus fin. Il peut laisser passer la proclamation de l'indépendance. Elle restera forcément symbolique car aucun pays ne paraît disposé à la reconnaître. Les dégâts économiques qu'elle provoquera feront le reste. Il n'en demeure pas moins vrai que les turbulences actuelles ou à venir portent en elles l'imprévisible.
Aussi l’aventure catalane, bien que singulière, est-elle suivie avec intérêt en Ecosse et en Flandre, mais aussi en Lombardie et en Vénétie où un référendum consultatif était organisé ce week-end sur l’extension de leur autonomie dans la perspective d’un fédéralisme à l’italienne. Un modèle institutionnel poussé à l’extrême dans la Belgique fédérale et dont les nationalistes flamands semblent pour l’instant se satisfaire. L’erreur de Madrid est d’avoir trop longtemps refusé de remettre à plat la Constitution espagnole par crainte de défaire une unité qui n’était que de façade.
Reste que les peurs sont communicatives, les enfermements faussement protecteurs et la recherche du bouc émissaire, c’est l’art de détourner les yeux des vrais problèmes, et plus encore de la possibilité de trouver les bonnes solutions. Applaudir les Brexit, les replis, les sécessions et tous les poncifs des tribuns qui manipulent les foules anxieuses et en colère, c’est s’abandonner à la haine et à la culture de l’échec.