Ça se corse
La domination majoritaire des nationalistes corses sur toutes les autres forces politiques, dont aucune ne dépasse 15%, les placent en excellente position pour maintenant faire valoir auprès du gouvernement l’évolution du statut qu’ils réclament vers plus de compétences propres pour leur collectivité territoriale. Tout en sachant qu’un dérapage «catalaniste» leur coûterait cher.
Le second tour sera crucial pour les Français de Corse et ceux du continent. L’Île se prononcera pour un ancrage dans la République ou pour une dérive vers un destin plus souverain. Les têtes de file de la liste nationaliste, Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, prennent bien soin de ne pas évoquer l’hypothèse indépendantiste à court terme pour ne pas effaroucher. Ils savent que ni l’opinion, ni l’économie corse ne sont aujourd’hui prêtes. Mais c’est bien là l’horizon, pour certains.
Ils n'auront pas crié en vain à tous les vents qu'ils n'étaient pas indépendantistes, proposant au peuple corse, rassuré, l'émancipation avec filets de sécurité.
Il faut reconnaître aux nationalistes le mérite d’avoir préservé l’île de Beauté du saccage général des rivages alentours, aussi musclés qu’aient pu être leurs moyens d’expression. Entre eux et la classe politique locale, la démocratie a rarement trouvé son compte tant dominent le clientélisme, la violence et la corruption sous toutes ses formes. Les Corses payent cher pour préserver cette identité. En renonçant à l’action armée, la frange la plus radicale des nationalistes a creusé le sillon qui lui entrouvre aujourd’hui les portes du pouvoir. Elle pourrait y affronter ses propres contradictions.
Reste que pour ce quatrième scrutin en deux ans sur l'île de Beauté et les chutes de neige ont fini de décourager le Corse de sortir de chez lui. À l'arrivée, le fort taux d'abstention a même de quoi faire taire ceux qui prétendent qu'en Corse on fait voter les morts.