SNCF : chez les agents, les avis divergent
On parle souvent, de façon exagérée sans doute, de la grande famille du rail. Mais il n’est pas nécessaire d’avoir un cheminot dans sa famille pour le devenir. Peut-être suffit-il d’avoir joué au train électrique dans son enfance. Ainsi Frédéric a-t-il toujours voulu conduire des locomotives.
Aujourd ’hui, il accomplit son rêve aux commandes de TER en espérant un jour piloter des TGV.
Il n’est pas syndiqué et avoue « n’avoir aucun dogme » à propos du statut de cheminot remis en cause par le rapport Spinetta remis à Édouard Philippe le 15 février dernier. « Mais si on le met sur la table, on met tout le reste, comme le salaire et les conditions de travail. »
Chaque mois, Frédéric, dix ans d’ancienneté, perçoit 1800 euros bruts qu’il arrondit à 2500 grâce à différentes primes. Côté retraite, « je pourrais partir à 57,5 ans puisque je suis entré à la SNCF avant le 1er janvier 2009. Mais si je peux continuer, pourquoi pas ? Je ne sais pas encore. » Et, comme tous les salariés français (ou presque), il accomplit ses 35 heures hebdomadaires en précisant que lorsqu’il met deux heures en voiture pour rejoindre son travail où l’attend son train, cela entre dans le décompte de son temps de travail.
Frédéric avoue avoir mal au ventre pour ses passagers quand son train est en retard. « Moi, j’embauche à l’heure mais j’ai pris l’habitude de me faire engueuler même si ce n’est pas ma faute. C’est normal que le client soit mécontent. »
En septembre dernier, Guillaume Pepy, le Pdg de la SNCF, a annoncé des suppressions d’emploi, pardon des redéploiements, faute de maintenance à assurer. « On est inquiet, c’est vrai », acquiesce Fabien, 1 430 euros net par mois après dix ans de boîte. « Il y a beaucoup de conneries qui circulent sur notre métier », ajoute cet agent de maintenance non syndiqué qui défilera le 22 mars. « Ce gouvernement veut mettre les cheminots et les fonctionnaires dans le même sac. Le statut, on peut modifier certaines choses mais on y tient. Dès qu’on commence à parler de rentabilité comme Spinetta, c’est la fin du service public. Ça ne veut pas dire que la SNCF doit perdre du pognon, bien sûr. »
Thierry, lui, ne manifestera pas : « Il y a quelques années, j’accompagnais mon fils à Paris et j’ai vu ce que ça faisait d’être coincé dans une grève. Je me suis juré de ne plus jamais emmerder les usagers. » Cet agent de maîtrise, entré au Technicentre il y a quarante ans, gagne 2 200 euros net mensuels. Il a lu le rapport Spinetta. « Il n’y a que si on vit chez Oui-Oui qu’on peut dire que la SNCF ne doit pas évoluer. Mais ce n’est pas trop à moi d’en parler, plutôt aux jeunes. Dans trois ans, je serai à la retraite.»
Être à la retraite n’empêche cependant pas de s’intéresser encore à son ancien emploi. Comme Jacques , entré à la SNCF en 1944 et retraité depuis 1985 avec le poste de responsable d’entretien des locomotives. « Cheminot, ça reste un métier avec beaucoup de pénibilité. » « Si la SNCF en est là, ajoute-t-il, c’est parce que l’État préfère la route au fer. Comparez ce qu’il investit ici par rapport aux autres pays européens. Ce n’est pas le statut du cheminot qui plombe les finances de l’entreprise. »
Jean, ancien conducteur TGV, parti à la retraite à 53 ans, s’inquiète aussi. « J’ai conseillé à mon fils d’entrer à la SNCF, justement pour la sécurité de l’emploi. Il m’a répondu : jamais je ne ferai ton métier, c’est trop pénible. »