Le fond et la forme
On l'avait laissé dans une charmante classe au milieu de dessins d'enfants. On a retrouvé Emmanuel Macron, hier soir, sur un ring face à deux pitbulls de l'interview.
Mais qu’a donc bien voulu prouver Emmanuel Macron en se frottant dimanche soir à JeanJacques Bourdin et Edwy Plenel ? Démontrer qu’il n’a peur de rien ni de personne, surtout pas des journalistes. Que restera-t-il de cette épuisante distribution de baffes? Sinon un combat d'egos souvent inaudible où une interview se mue en procès à trois plus qu'en véritable débat à l'adresse des citoyens français, totalement perdus de vue. Il en va ainsi quand la forme prend le pas sur le fond. Il aura indéniablement manqué la sérénité.
Dans un débat parfois brouillon – où quelques échanges ont ressemblé à des règlements de compte –, Emmanuel Macron a donné l’impression de vouloir se servir des attaques des deux journalistes pour casser son image de président des riches, déconnecté des réalités et des souffrances de nombreux Français.
S’il a répété qu’il entendait bien les colères dans le pays – tout en les différenciant –, il a également eu l’ambition de démontrer qu’il avait toujours un coup d’avance sur les questions. Qu’il n’entendait pas répondre dans l’urgence aux «symptômes» de certains secteurs en crise. Sur tous les sujets, le jeune président renvoie les balles avec un sens bluffant de la percussion.Il a plaisir à batailler pour expliquer, décrypter et amplifier son élan politique. Il se démène tout en refusant de céder «à la tyrannie des minorités».
Témoignant de l’empathie pour certaines situations que vivent les Français les plus modestes, il a montré qu’il ne dévierait pas.
Sur chaque sujet, dans chaque compartiment du jeu, la machine Macron se révèle rodée, affûtée mais il a juste un problème : convaincre ses compatriotes que sa virtuosité changera demain leur vie. Il lui reste quatre ans. À l’heure où le monde s’accélère de façon vertigineuse, cela lui laisse une marge enviable.