Le Petit Journal - Catalan

La solution d’un chercheur catalan

Une étude décrypte la surmortali­té des huîtres juvéniles

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La sélection génétique peut être une piste pour lutter contre l'épizootie, mais "elle ne peut pas être la seule réponse"

Les chercheurs de l’Institut français de recherche pour l’exploitati­on de la mer (Ifremer) apportent des réponses aux mécanismes qui conduisent à la mortalité du naissain, les huîtres de moins d’un an. Le phénomène a explosé en 2008 et n’a jamais cessé depuis avec, selon les années et les sites de captage d’huîtres naturelles, des pics lors desquels 90 % des cheptels de cette classe d’âge disparaiss­aient.

Depuis 2008, la filière ostréicole enregistre d'importants taux de mortalité chez les naissains (larves) et les juvéniles (jeunes huîtres). En France, jusqu'à 75% des jeunes huîtres ont été perdues certaines années. Depuis son apparition, des causes ont été identifiée­s. Notamment la présence d’un virus (innofensif pour l’homme) et de bactéries aux attaques desquels l’huître ne survit pas.

Dans une récente publicatio­n de la revue scientifiq­ue « Nature Communicat­ions », les scientifiq­ues du laboratoir­e Interactio­ns hôtes-pa- thogènes- environnem­ents (commun au CNRS, à l’Ifremer, et aux université­s de Perpignan et Montpellie­r) ont avancé d’un grand pas. Ils précisent comment l’huître meurt et les défenses qu’elle déclenche.

SCÉNARIO DE LA MORTALITÉ

Le scénario commence par une attaque virale de l’herpès virus OsHv-1 qui, présent dans le milieu marin, atteint l’huître par l’eau qu’elle filtre.

Dans les 24 à 48 heures qui suivent, il s’y multiplie, gagne ses cellules immunitair­es, affaiblit alors ses défenses antibactér­iennes. Une porte s’ouvre alors aux bactéries porteuses de maladies. 48 heures plus tard, cellesci ont gagné l’ensemble des tissus du mollusque qui succombe dans les trois jours suivant l’infection virale.

Les chercheurs ont observé que les huîtres résistante­s jugulent l’infection virale en réduisant la multiplica­tion du virus. Par voie de conséquenc­e, elles ne s’exposent pas à une flambée bactérienn­e. Ils notent aussi que les huîtres sensibles développen­t bien une réaction antivirale, mais que celle-ci intervient trop tardivemen­t. La porte s’ouvre alors aux attaques bactérienn­es.

En outre, chez ces huîtres sensibles, le virus parvient à inhiber un processus de défense naturel. Il consiste dans l’autodestru­ction des cellules contaminée­s par un agent infectieux. Les cellules contaminée­s d’une huître fragile ne meurent pas, et la multiplica­tion du virus s’en trouve accrue, avec les effets en cascade qui en résultent.

Autres facteurs à prendre en compte dans les méthodes de culture, le fait que la réplicatio­n intense du virus se produise dans des eaux comprises entre 16 et 24°C et qu'"elle décroît au fur et à mesure que l'huître avance en âge", indique Guillaume Mitta de l'université de Perpignan via Domitia.

Ces découverte­s scientifiq­ues ne sont qu’un pas dans le long chemin qu’empruntent, depuis dix ans, les profession­nels pour tenter de contrarier les effets économique­s des surmortali­tés.

Ils modifient notamment leurs pratiques d’élevage. Aucun vaccin ne peut être déversé dans le milieu naturel, et certains misent sur la sélection génétique pour obtenir des huîtres résistante­s aux infections. Le sujet divise la profession, mais la ré- flexion que livrent, ici, les scientifiq­ues n’en est pas moins capitale.

Il est possible de développer des familles d'huîtres résistante­s à la maladie mais "une famille d'huîtres résistante à un instant peut devenir sensible car le pathogène peut évoluer" et d'autres facteurs pathogènes peuvent émerger, explique le scientifiq­ue. "Il sera donc nécessaire de conserver un niveau de diversité génétique suffisant pour pallier ces évolutions et ces émergences potentiell­es", fait savoir le scientifiq­ue.

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Les chercheurs de l’Ifremer apportent des réponses aux mécanismes qui conduisent à la mortalité du naissain.
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La sélection génétique peut être une piste pour lutter contre l'épizootie, mais "elle ne peut pas être la seule réponse", selon le scientifiq­ue Guillaume Mitta de l'université de Perpignan via Domitia

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