Le Petit Journal - Catalan

Où sont passées les grands-mères?

- Alain Paga

Dans sa chanson « Tolosa», Claude Nougaro célèbre « les mémés qui aiment la castagne ». Ce sont sans doute les mêmes que Brassens avait rencontrée­s « au marché de Brive La Gaillarde ». Cette année, ma chère amie de toujours, Mathilde, aura l’âge de sa grand-mère bien-aimée lorsqu’elle est morte. Elle racontait des histoires et parlait par proverbes : « Un de perdue dix de retrouvées » pour consoler sa petite fille de son premier chagrin d’amour (j’ai su plus tard que c’était moi). « Il y a du pied dans la chaussette » quand quelque chose commençait à prendre forme. « Mieux vaut un petit chez soi qu’un grand chez les autres » pour justifier son train de vie très modeste. « Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage » contre la mauvaise foi. Il y en avait pour toutes les situations, pour chaque saison de l’année. C’était aussi, dans la plus pure tradition, une cuisinière hors pair et une Mamie-confiture avec les fruits glanés au bord des chemins : mûres, pommes sauvages, cerises, baies d’aubépine… Elle connaissai­t les simples et soignait le voisinage. L’huile de millepertu­is, qu’elle confection­nait à la Saint Jean, faisait des miracles contre les brûlures, les courbature­s, les bleus.

Nos cinquanten­aires d’aujourd’hui paraissent avoir quarante ans, voire trente. Plusieurs des amies d’enfance de Mathilde, qui ont atteint cet âge autrefois canonique pour une femme, vivent un célibat heureux et épanoui. Si l’une est veuve – et à présent consolée – les autres ont divorcé pour une seconde jeunesse. Pour la cuisine, ce sont les championne­s du surgelé et du micro ondes. Au diable confitures, gâteaux et autres douceurs. Et pas question de garder la marmaille de leurs enfants. Elles ont mieux à faire. Elles fréquenten­t cours de mise en forme et institut de beauté, vont danser deux fois par semaine, partent en croisière, tombent régulièrem­ent amoureuses d’hommes bien plus jeunes qu’elles. Et si la mémé de Mathilde, veuve très jeune, menait une vie privée et secrète... Mathilde ne s’était jamais posé la question…

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