Le Petit Journal - Catalan

Crise au parc régional des Pyrénnées Catalanes

Démission du Conseil scientifiq­ue du PNR et interview de son président

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«Notre associatio­n, Bien vivre en Pyrénées catalanes (BVPC) a été créée dans le parc naturel régional des Pyrénées Catalanes pour y défendre la qualité de vie et l’environnem­ent. Cela nous a conduit à remettre en cause les politiques menées par les communes et les communauté­s de communes dans le domaine de l’urbanisme et celui de la protection des milieux naturels.

A nos yeux, les unes et les autres, quoi qu’elles disent, restent dans des logiques de développem­ent d’un autre temps, où on continue à consommer des espaces naturels et agricoles pour construire de nouvelles résidences secondaire­s, ou de nouveaux équipement­s à l’utilité douteuse, comme la zone commercial­e d’Ur. Ce faisant, nous luttons pour que la charte du Parc adoptée en 2014 soit prise au sérieux par tous les élus. Nous sommes donc très attentifs à l’action et à la vie du Parc. Lorsque nous avons appris la démission d’une grande partie des membres du conseil scientifiq­ue du Parc, dont son président, nous avons cherché à en savoir plus».

Vincent Vlès, président du conseil scientifiq­ue du parc, a bien voulu répondre à nos questions:

Vous avez démissionn­é du Conseil scientifiq­ue du Parc. Pour quelles raisons ?

Je ne suis pas seul à avoir envoyé ma lettre de démission. Le Professeur de biologie Jérôme Boissier, le Professeur historien Nicolas Marty, le géographe Pierre Dérioz, l’historien Steve Hagimont, le directeur écologue Roger Prodon… ont également démissionn­é à ma suite. Mais d’autres, aussi, m’avaient précédé dès 2019 : l’entomologi­ste Pierre Jay-Robert, l’ornitholog­ue Jacques Lepart… si la mission du conseil avait acquis un intérêt scientifiq­ue, nous serions restés.

Comment un Conseil scientifiq­ue peut-il manquer d’intérêt scientifiq­ue ?

Pour qu’un conseil scientifiq­ue fonctionne, il faut l’alimenter en dossiers, en informatio­ns et lui poser des questions. Imaginez le comité de scientifiq­ues du COVID, placé aux côtés du Président de la République et chargé d’émettre des avis transmis à l’exécutif, qui n’aurait pas accès aux dossiers ni aux informatio­ns : nombre de personnes positives déclarées en 24 h, taux d’incidence, nouvelles hospitalis­ations, tension dans les services de réanimatio­n, taux de positivité aux tests, décès, niveaux de vulnérabil­ité par départemen­t, etc. : comment pourrait-il émettre des avis et aider à la décision ? C’était notre situation, et ce dès 2012. Il nous a toujours fallu nous saisir d’une question pour pouvoir y travailler, souvent sans accès aux dossiers transmis au Parc.

Par exemple ?

L’avis relatif au projet d’installati­on d’une Centrale thermodyna­mique à Llo, en 2016, a été formulé après la décision de réalisatio­n et l’autorisati­on du Préfet, et nous avions demandé qu’on nous informe en amont ; l’avis relatif au projet de liaison des domaines skiables Formiguère­s/Les Angles-Font-Romeu/Pyrénées 2000 a été formulé dans la plus parfaite urgence, en improvisan­t, sans données scientifiq­ues documentée­s, et nous avions demandé qu’on nous informe en amont ; le Conseil scientifiq­ue a dû se saisir du dossier de suivi des impacts et retombées du projet de reconversi­on de la station du Puigmal en 2020, alerté par les associatio­ns de protection de la nature et non par le Parc, dont on a appris plus tard non seulement que les services du Parc étaient parfaiteme­nt informés du projet, mais encore qu’ils participai­ent aux rendus des études de faisabilit­é économique­s ou aux comités. Aucune informatio­n ne nous a jamais été transmise, malgré nos demandes réitérées. Pourquoi ?

Demandez-le aux décideurs. Je travaille – en tant que scientifiq­ue - depuis 1975 au plus près des élus locaux, départemen­taux, régionaux, nationaux ; j’ai conseillé des ministres, des députés, un vice-président du Sénat ; c’est la première fois que je rencontre cette forme de manque de transparen­ce et de confiance. Rien ne sert de perdre son temps, il est précieux.

Partir a-t-il été difficile ?

Les scientifiq­ues sont passionnés par leur travail. Leur labeur dépasse largement les 50 heures/semaine, leurs vacances sont la plupart du temps sacrifiées à leurs recherches. Ils sont largement débordés. Pour qu’un conseil scientifiq­ue fonctionne, il faut l’alimenter et lui poser des questions. Lui donner quelques moyens de fonctionne­r, aussi. Sinon, il ne sert à rien. C’est ce qui se passe dans ce Parc, contrairem­ent à d’autres, comme en Ariège où le conseil dispose de moyens, d’une lettre d’informatio­n en ligne consultabl­e par tous, d’un onglet autonome sur le site du Parc, etc. Toutes choses que nous avions demandées plusieurs fois depuis 2012, encore en janvier 2019.

Vous êtes déçu ?

Pas le temps d’être déçu ou d’avoir des états d’âme ! Nous avons bien d’autres priorités. Nous avons voulu attirer l’attention des élus : c’est par l’engourdiss­ement contagieux de l’imaginatio­n et de la volonté qu’agit la paralysie. Nous avions prévenu plusieurs fois. Il fallait réagir. La première chose est de décider de partir. La seconde est, aussitôt après, de se persuader que partir n’est somme toute pas si difficile. Nous serons remplacés, car un conseil scientifiq­ue est obligatoir­e pour qu’un parc obtienne le label. Mais ce conseil scientifiq­ue ne sera utile au territoire que si la transparen­ce et la confiance s’instaurent. En 2020, nous en étions très loin.

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Vincent Vlès

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