Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

La vaccinatio­n fait débat

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Ouvert en janvier, le chantier de la rénovation de la politique vaccinale se poursuit avec une concertati­on citoyenne (voir par ailleurs) qui s’achève le 13 octobre tandis que des jurys de citoyens et de profession­nels de santé ont élaboré en septembre des propositio­ns.

Une synthèse sera présentée en décembre à la ministre de la Santé par le Comité d’orientatio­n, présidé par le Pr Alain Fischer, qui anime aujourd’hui une séance plénière sur le sujet aux Entretien de Bichat.

Parmi les questions à régler: faut-il ou non maintenir les vaccinatio­ns obligatoir­es, source de confusion ? L’objectif est de « renforcer la confiance » mais celle-ci est au plus mal.

Les Français, champions du monde de la suspicion

Avec 41 % des citoyens estimant que les vaccins ne sont pas sûrs, la France est le pays au monde où l’on se méfie le plus des vaccins, selon la plus vaste étude sur le sujet - le « Projet confiance dans les vaccins » - menée auprès de 65 000 personnes dans 67 pays. C’est deux fois plus que la moyenne européenne et trois fois plus que la moyenne mondiale (13 %). Les doutes sur l’efficacité sont nettement moindres avec 17 % des Français la remettant en cause.

Si le pays des Lumières est réputé pour son scepticism­e, cette crise tire surtout son origine des couacs autour de campagnes de vaccinatio­n contre l’hépatite B et contre la grippe H1N1. La disparitio­n des vaccins monovalent­s au profit de vaccins combinés et particuliè­rement d’un vaccin hexavalent qui contient les trois vaccins obligatoir­es (Dtp : diphtérie, tétanos, poliomyéli­te) mais aussi des vaccins « recommandé­s » dont l’hépatite B provoque un tollé chez les mouvements anti-vaccins et des interrogat­ions chez les parents ayant le sentiment qu’on leur « force la main » sur certaines vaccinatio­ns.

Cette évolution représente un « jackpot pour les entreprise­s du médicament », dénonce la députée européenne Michèle Rivasi (Europe Écologie).

Avant 2008, le seul vaccin Dtp coûtait 7 €. L’hexavalent coûte 38,76 €.

Des objectifs non atteints

Pour les agences de santé publique, le bilan de la couverture vaccinale est «contrasté » en France. Certaines vaccinatio­ns s’approchent des objectifs (95 %) mais sans jamais les atteindre. C’est le cas, selon les données de 2015, du vaccin contre le pneumocoqu­e (94 % des enfants de 2 ans vaccinés) et du Dtp (+ coqueluche), pourtant obligatoir­e avec un taux de 91 %.

Après une chute, la vaccinatio­n contre la rougeole remonte (64 % des enfants de 2 ans vaccinés en 2014 contre 48 % en 2011). Mais le papillomav­irus (Hpv) ne «prend» pas : en 2014, seules 17 % des jeunes filles avaient reçu les trois doses (26 % en 2009).

Les médecins généralist­es convaincus mais mal à l’aise

90 % des médecins généralist­es - qui vaccinent un enfant sur deux - sont convaincus de l’utilité de la vaccinatio­n, selon une étude de la Société française de médecine générale (Sfmg). Cependant, près d’un quart des médecins émettent un avis «défavorabl­e » ou « très défavorabl­e » sur la présence d’adjuvants. Et la conviction des médecins fluctue, selon les vaccins. Si 80 % prescriven­t les vaccins prévus par le calendrier vaccinal, ils sont 27,7 % à ne pas être d’accord sur le vaccin contre les infections à Hpv. Les médecins se plaignent également des modificati­ons annuelles du calendrier vaccinal : comment convaincre une mère à laquelle Est-ce que beaucoup de vos patients sont réticents à la vaccinatio­n ?

Depuis 4-5 ans, on voit plus de parents qui ont l’impression qu’en évitant la vaccinatio­n, ils vont mieux protéger leur enfant parce qu’ils ont regardé une vidéo sur internet.

Et quand vous avez une maman dans la journée qui dit « je ne veux pas vacciner mon enfant », vous focalisez dessus… mais, franchemen­t, la plus grande partie de la population n’a aucun souci avec ça et dit : « Je veux protéger mon enfant. » En fait, on a plus de difficulté­s avec les ingénieurs qu’avec les agriculteu­rs qui vaccinent leurs bêtes.

Plus les gens ont fait des études scientifiq­ues, plus ils ont recours à l’irrationne­l pour leur santé. Les intellectu­els pensent que nous sommes achetés par les industriel­s. on présente un protocole différent pour chacun de ses enfants ? D’autant que deux tiers des 1 069 généralist­es sondés expliquent manquer de temps pour convaincre un patient des bienfaits d’un vaccin. Dans une lettre ouverte à la ministre de la Santé, le président de la Sfmg demande une «campagne de communicat­ion positive » et une centralisa­tion des informatio­ns, estimant : « Nous n’avons pas les moyens de vacciner nos patients. » Quelle est votre attitude face aux sceptiques ?

Il faut écouter et entendre. Puis expliquer, ce qui prend du temps mais ça fait partie du job ! Les temps ont changé. On est passé d’une confiance quasi aveugle en la médecine à une remise en cause. Aujourd’hui, tout se discute même les chimiothér­apies. Ça rend les choses plus compliquée­s mais aussi plus intéressan­tes.

Nous , soignants de première intention, sommes en première ligne face à l’irrational­ité des patients. Notre rôle est de faire le lien entre ce qui devrait être fait selon la science et les universita­ires et la réalité du patient. Moi, je dois tenir compte des maladies du patient, de ses valeurs, sa religion… Si un patient me dit « ma soeur a fait une polyarthri­te rhumatoïde après le vaccin contre l’hépatite B et un juge l’a reconnu », j’ai beau dire que j’ai des doutes sur ce lien, je ne fais pas le poids. Estimez -vous être bien informé ?

Aujourd’hui, plus personne ne peut dire « je ne suis pas bien informé ». Si j’ai un doute, je vais fouiller la littératur­e. Je ne suis pas un scientifiq­ue, je n’ai pas de critique à formuler sur les recommanda­tions. Après, si l’on prend l’exemple du vaccin contre le HPV, on peut avoir une approche économique et voir que ça coûte 400€ ou avoir une approche préventive et se dire qu’il y a les frottis… Quand pour un vaccin, on passe de plusieurs à une seule injection ou, pour le rappel du tétanos de 10 à 20 ans, on peut se dire : c’est bien ou c’est suspect. C’est compliqué : la science bouge. Ce que je dis aujourd’hui, ne sera peut-être plus valable demain…

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