Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne
Épreuve d’amitié
Notre amie Mathilde a lié une forte relation avec deux femmes remarquables, déjà amies entre elles, un peu avant la disparition de son mari, il y a bientôt vingt ans. L’une vétérinaire, l’autre infirmière, elles l’ont soutenue au moment de son deuil. Celle qui est vétérinaire l’a appelée un matin, il y a quelques jours. Sa chienne de quinze ans, malade depuis assez longtemps et dans un état critique depuis plusieurs semaines, allait très mal. Le lendemain elle allait mieux mais sa maîtresse était épuisée par le chagrin, les nuits blanches et par les soins de plus en plus lourds. Mathilde a décidé d’aller la voir, en fin de journée. Lorsqu’elle est arrivée, la chienne l’a reconnue. Elle a faiblement remué la queue, s’est redressée et Mathilde aurait juré qu’elle lui souriait. Elle était installée au soleil dans la prairie devant la maison avec sa maîtresse, entourée des deux chats et de l’autre chienne. Mathilde s’est assise et a commencé à la caresser en lui parlant.
Les souvenirs des moments heureux passés dans ce lieu revenaient à sa mémoire, comme les promenades le long du chemin avec les chiennes et les deux chats qui les rejoignaient en courant avec des miaulements de protestation parce qu’on ne les attendait pas. Et les larmes sont arrivées. La chienne fermait les yeux, apaisée, entourée de ceux qui l’aimaient. «Je manque de courage. Pourtant ce serait le moment idéal pour abréger ses souffrances. Aujourd’hui elle est mieux. Mais hier elle était très mal. Et on sait que ça ne peut pas s’arranger. Ca risque d’empirer alors que je ne serai pas auprès d’elle, de la découvrir au plus mal et d’être obligée de l’euthanasier entre deux clients, dans l’urgence. Qu’en penses-tu ?» «Ce n’était pas prévu mais il me semble en effet que les conditions ne seront jamais aussi bonnes.»
Mathilde nous raconte la suite : «Nous avons laissé passer du temps et un peu plus tard, j’ai pris la chienne dans les bras et elle est partie tout au début de l’injection. Elle s’est endormie dans le calme, au soleil. Nous pensions demander de l’aide pour l’enterrer. Nous avons préféré ne pas rompre l’harmonie et la justesse du moment et nous l’avons fait, seules. Tout s’est déroulé tellement naturellement, sans l’avoir programmé que notre troisième amie, retenue ailleurs, ne nous a pas rejoint. Mais nous l’avons associée à ce moment particulier et elle nous a accompagnées par la pensée et par l’intention».