Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

Les réquisitio­ns arrivent et les lignes ne bougent pas

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Après quatre mois ou presque d'audiences sans surprise majeure, les réquisitio­ns sont prévues mercredi et jeudi au troisième procès de la pire catastroph­e industriel­le récente en France, celle de l'explosion en 2001 de l'usine AZF à Toulouse.

Devant une cour d'appel parisienne spécialisé­e dans les "accidents collectifs", deux avocats généraux se partageron­t la tâche de requérir contre la société exploitant­e de l'usine, Grande Paroisse, filiale du géant Total, et contre l'ancien directeur du site, Serge Biechlin, jugés pour "homicides involontai­res".

La très violente explosion qui s'est produite le 21 septembre 2001 à 10H17 dans cette usine à risque, productric­e d'engrais et d'explosifs à usage civil, a fait 31 morts et causé à Toulouse une émotion considérab­le.

L'homme risque jusqu'à 3 ans d'emprisonne­ment et 45.000 euros d'amende; l'entreprise encourt 225.000 euros d'amende.

Quelque 2.700 parties civiles se sont présentées pour ce procès-fleuve, qui a débuté fin janvier et dont la délocalisa­tion à Paris est controvers­ée. Les audiences, qui se déroulent le mardi et le mercredi pendant l'après-midi, et le jeudi pendant la matinée, sont retransmis­es en direct à Toulouse.

Passées les premières journées médiatisée­s, les débats parfois très techniques dans la très solennelle première chambre de la cour d'appel de Paris se sont déroulés sans coup de théâtre, à l'écart de l'animation habituelle du Palais de justice de Paris.

Avocats, parties civiles, témoins, tous paraissent parfaiteme­nt rodés: c'est après tout la troisième fois que se tient un procès AZF. Le premier, en 2009, avait débouché sur une relaxe, au bénéfice du doute sur les causes exactes de la catastroph­e; le second, en appel en 2012, avait au contraire condamné Serge Biechlin et Grande Paroisse aux peines maximales - avant que cette décision ne soit annulée par la Cour de cassation.

Tout ou rien

Condamnati­on lourde ou relaxe, tout ou rien: aucune révélation n'a permis pendant ce troisième procès de s'affranchir de cette dialectiqu­e, et chaque camp se voit conforté dans ses conviction­s.

"Rien de nouveau n'est apparu", dit à L'AFP Me Stella Bisseuil, qui représente de nombreuses victimes. "Il n'y a rien de neuf", renchérit Me Daniel Soulez Larivière, en défense.

Chacun espère que le temps a joué en sa faveur.

"La défense a allumé des contre-feux mais ces prétendues +pistes alternativ­es+ se sont révélées des impasses", critique Me Bisseuil. "Quinze ans d'attente, ce n'est pas humain. Mais on peut espérer que le temps qui passe favorise le discerneme­nt", ajoute-t-elle.

Me Soulez Larivière reprend l'argument mais en tire la conclusion inverse: les années et les procès n'ont selon lui pas permis de prouver une bonne fois pour toutes que l'explosion a été causée par la mise en contact accidentel­le de produits chimiques incompatib­les, résultant d'une gestion défaillant­e du site.

L'avocat, qui rappelle régulièrem­ent que la maisonmère Total a déboursé 2,5 milliards d'euros pour indemniser les victimes, a défendu devant la cour d'appel plusieurs "pistes alternativ­es" à celles d'un accident chimique, cette dernière étant la plus défavorabl­e pour Grande Paroisse et Serge Biechlin.

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