Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne
Avoir raison
Mathilde a de très nombreux amis. Nous sommes quelques-uns à nous compter parmi les plus proches. Et à avoir du mal à supporter certains d’entre eux. Et une en particulier.
Mathilde la connaît depuis très longtemps et la fréquente alors qu’elle est vraiment très difficile à supporter. C’est Madame-je-sais-tout et J’ai-toujoursraison. Après un épisode particulièrement pénible nous avons demandé à Mathilde pourquoi elle ne la bannissait pas de ses fréquentations.
Elle nous a avoué qu’elle avait bien failli le faire mais qu’elle s’était aperçue que sous des airs de Matamore cette femme possédait d’énormes qualités, notamment de générosité. Et que cette exagération à affirmer son point de vue sans tolérer celui des autres masquait en réalité un manque de confiance en soi. Il lui était arrivé un jour, à bout de patience, de la pousser à bout jusqu’à l’obliger à reconnaître qu’elle s’était trompée. Et elle s’était effondrée en larmes. Alors Mathilde a réfléchi. Est-il plus important d’avoir toujours raison et d’écraser les autres de sa supériorité ou bien vaut-il mieux ignorer cette détestable habitude, passer outre pour ne s’attacher qu’aux bons côtés d’une personne ?
Depuis qu’elle accueille ses rodomontades d’une oreille distraite, sans les relever, tout se passe pour le mieux. Comme pour le jeu de la corde où deux protagonistes tirent chacun à un bout en essayant d’entraîner l’autre qui résiste. Il suffit de lâcher de son côté et il n’y a plus de problème pour savoir qui est le plus fort.
Cette attitude empoisonne particulièrement les rapports avec les plus proches. C’est-à-dire a priori ceux auxquels on est le plus attachés. Mathilde a l’habitude de dire à ses amies qui se plaignent de l’arrogance et parfois de la mauvaise foi de leur compagnon qui s’entête à les contredire qu’il y a un seul remède. Dire «Oui, Chéri,tu as raison» et ensuite faire à sa manière. Cet aveu a été couvert par nos cris de protestation. Mais sans aller jusqu’à cette extrémité, on peut, peutêtre, en prendre de la graine.