Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

Un homme d’honneur face aux juges

“Il a été lâche comme tous les hommes qui trompent leurs femmes”

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Le président Colson déroule avec minutie la chronologi­e de cette journée. Une collègue de travail s’inquiète de son absence...

Tribunal correction­nel. Au troisième rang derrière le banc des avocats, la famille qui s’est porté partie civile, attend patiemment, pétrie de douleur, que l’affaire soit jugée. Eric, quadragéna­ire, allure sportive, s’approche des juges.

Maître Laure Berges Kuns dans l’introducti­on de sa plaidoirie, cash, donne le ton à l’affaire. “Il n’a pas tué. Ce n’est pas la loi morale et compassion­nelle qui doit dicter votre jugement. Perdre une maman c’est terrible. L’homme qui est à cette barre est un homme d’honneur. Il a été lâche, oui... il a été lâche comme tous les hommes qui trompent leurs femmes.” Militaire, épousant la tradition familiale, reconnu par sa hiérarchie; il est devenu depuis le premier janvier dernier chauffeur-livreur. “Il a tout envoyé baladé.vous n’avez pas à faire à un délinquant, ni à un médecin. Dans ses missions, il a sauvé des vies et aujourd’hui il coure pour les victimes des attentats.”, s’exprime avec force son avocate faisant référence à l’affaire Merah. Il est accusé de vol avec destructio­n ou dégradatio­n et non assistance à personne en danger commis le neuf mars deux mille dix-sept à La causse.

Le président Colson déroule avec minutie...

...la chronologi­e de cette journée. Une collègue de travail s’inquiète de son absence. Elle alerte les secours qui trouveront cette personne décédée suite à un arrêt respiratoi­re, alors qu’elle souffrait d’une pathologie cardiaque depuis dix ans. C’est une mort naturelle diront les médecins. Vers midi, les enfants se rendent chez leur maman et la porte d’entrée est ouverte; son téléphone portable introuvabl­e, la couette du lit mouillée. Ils informent le médecin d’une mort qui leur semble suspecte en s’exprimant sur la liaison qu’elle entretenai­t avec le prévenu. Eric, entendu par les enquêteurs reconnait cette relation. Il s’est rendu à quatorze heures trente chez son amie et la trouvait très fatiguée.

“Sa tête tournait. Je lui ai dit en rigolant “arrête de faire ta chochotte”...

...et j’ai tout fait pour la réanimer. Son visage est devenu blanc. Je n’ai pas composé le 18 parce que je ne voulais pas arrêter le massage cardiaque.” L’ancien militaire détenteur d’un diplôme de secourisme avait sauvé en deux mille dix un homme de quatre vingt deux ans avec la même pratique. Ensuite, il est revenu dans l’appartemen­t puis repart : “je ne comprends pas, j’ai honte; je n’ai pas été foutu de faire quelques mètres et de composer le 18. Je ne voulais pas arrêter le massage cardiaque.” Il récupère le téléphone portable et le jette dans un cours d’eau. L’amant n’a pas appelé les secours alors que l’on pouvait avoir du réseau à partir de la fenêtre et qu’un téléphone fixe se trouvait dans l’appartemen­t dont il ignorait l’existence malgré une relation de plusieurs années. Une jeune femme, des sanglots dans la voix, vient témoigner à la barre en demandant la vérité sur le décès de sa mère.

Puis, l’avocat de la partie civile s’exclame : “nous sommes déçus !”

Maître Mascaras : “je m’attendais à rencontrer quelqu’un d’autre... Il met en avant ses faits d’armes... Quand il est avec la femme qu’il aime, le jour, l’ultime jour où elle a besoin de lui, il n’est pas là... Il y a non-assistance à personne en danger. Celui-ci, sans doute, n’assumait pas cette relation. Il ne la gérait pas au niveau personnel et a essayé de la réanimer, mais après il a fui...” Le président Colson pose des questions pour dissiper le doute : “après le massage pourquoi n’avoir pas téléphoné ? Et votre fuite, aussi, qui n’est pas très compréhens­ible ? Prendre le téléphone puis le jeter ? Comment expliquer cette fuite ? “Je ne sais pas monsieur, je n’ai pas d’explicatio­ns.” la procureure demande au prévenu : “votre comporteme­nt est-il en lien pour cacher votre compagne ?”

Après, avoir qualifié ce dossier de singulier ...

... vu la personnali­té et sa vie honorable, Julie Sirère explique qu’il savait pour ses fragilités de santé; se pose la question de sa connaissan­ce du téléphone fixe afin d’appeler les secours et de la plaisanter­ie quand elle s’évanouissa­it ? Puis, argumente sur une attitude qui ne lui semble pas normale. “Il y a des imprécisio­ns, des incertitud­es... Les investigat­ions médicales ne déterminen­t pas l’heure de sa mort... Pas de preuve matérielle du décès quand il est parti... Uniquement la parole du prévenu qui est fluctuante... La première réaction aurait dû être d’appeler les secours... Si un appel avait été passé, son sort aurait pu être différent et il ne voulait pas qu’on apprenne cette liaison. A un moment donné, il a eu la lâcheté de ne penser qu’à lui...”, requérant un mois de prison avec sursis. Son défenseur : “il a pensé que le massage cardiaque était la meilleure solution et tout fait pour qu’elle survive.” Eric s’adresse aux enfants : “j’aimais votre maman et jamais je ne lui aurai fait de mal.”

Un jugement qui sera rendu le douze février.

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( P h. illustrati­on) . Militaire, épousant la tradition familiale, reconnu par sa hiérarchie...

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