Fine gueule

En se renseignant pour venir en aide à une amie à faible revenu, Mathilde a été stupéfaite d’apprendre que le seuil de pauvreté en France, en 2017 était de 1.015 euros par mois. Son amie entrait bien dans cette catégorie mais elle aussi, ce dont elle n’avait pas conscience. Elle a également appris qu’un Français sur sept, soit neuf millions de personnes sont dans ce cas. Avec un autre mode de calcul, on obtient un résultat de 840 euros, et Mathilde et son amie font toujours partie du lot.

Son amie a droit à des aides sociales auxquelles Mathilde s’aperçoit qu’elle aussi peut prétendre. Et elle apprend que de nombreuse personnes, comme elle, ne font pas la démarche de les demander. Non. Elle ne se voit pas fréquenter les restos du coeur, sinon comme bénévole.

Mathilde a travaillé dur toute sa vie, et notamment avec et pour son époux, sans être déclarée faute de ressources pour payer les charges sociales. Elle n’a pas non plus bénéficié de sa retraite de reversion. Il s’étaient mariés sur le tard, après vingt ans de vie commune, et il manquait six mois pour y prétendre.

Toujours prête à venir en aide aux autres, Mathilde n’a pas l’intention de faire valoir ses droits. Parce que, paradoxalement, elle se sent riche. D’amis, de projets et d’activités passionnantes. Elle poursuit, toujours bénévolement, ce qu’elle avait entrepris avec son mari. Et prendre vraiment conscience de son dénuement risquerait de la faire basculer dans la misère. D’ailleurs sa mère, qui n’avait pas la particularité d’être tendre avec elle, avait coutume de lui dire qu’elle avait la gueule trop fine pour être pauvre. Mathilde est devenue, par choix et aussi par nécessité, une adepte de la sobriété heureuse et volontaire. Elle réduit au minimum ses dépenses, le poste principal étant celui de l’alimentation. Depuis quelque temps elle met donc en application le principe de jeûner plusieurs jours chaque semaine. C’est très bon pour la santé, pour le moral et pour le portefeuille.