Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

Une triste affaire de violence conjugale

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Le premier dossier appelé à la barre concernait une triste affaire de violences intra-conjugales.

T, le prévenu, sans emploi, homme grand et mince avec une calvitie naissante, âgé de 55 ans, fines lunettes cerclées, vêtu sobrement d’un jean et d’un blouson, se présentait à la barre, accompagné de son épouse qui n’est autre que la victime. Cette dernière, de 12 ans plus jeune que son époux et maitrisant mal le français avait requis l’aide d’un interprète. Le couple s’est marié en 1995 et a eu depuis 5 enfants dont le dernier est encore en bas âge. La présidente entre alors dans l’énumératio­n des faits reprochés au prévenu, faits qui l’ont amené à subir une détention de huit mois et demi. Ils se déroulent le 18 juillet 2015. Ce jour là, après une énième altercatio­n avec son mari, l’épouse pousse la porte du commissari­at de Montauban pour porter plainte contre son mari pour violences suivi d’une incapacité n’excédant pas 8 jours, menace de mort réitérée et violences habituelle­s commises depuis le 17 juillet 2012. Ce jour là, la dispute est partie d’une banale histoire d’achat de mobilier. Le ton monte, les coups pleuvent, et dans un accès de colère le mari récalcitra­nt ira même jusqu’à se servir d’un vélo comme arme improvisée, vélo qu’il tentera de jeter sur son épouse mais qui malheureus­ement atterrira sur le plus jeunes des enfants. Ce dernier, tout comme sa mère, feront l’objet d’une consultati­on médicale qui constatera plusieurs hématomes sur les deux victimes ainsi que la grande inquiétude qui est la leur. Les voisins assistant à cette sordide scène tenteront de s’interposer en vain, et finiront par appeler la police. Les deux enfants les plus âgés seront entendus et confirmero­nt les propos de leur mère, à savoir les incessante­s disputes issues la plupart du temps de demande d’argent du mari auprès de son épouse pour s’acheter des stupéfiant­s, immanquabl­ement suivies par des coups lorsqu’il essuyait un refus et feront état de leur soulagemen­t après la plainte déposée par leur mère. La présidente donne la parole au prévenu en lui demandant de s’expliquer. Vindicatif, ce dernier tentait tout d’abord de nier les faits, ou au moins de les minimiser. Tout juste consentait-il à dire “Oui c’est vrai, des fois on se dispute ; pour me calmer, je sors fumer une clope et quand je rentre, tout est fini…” La présidente se montrait dubitative face à ces explicatio­ns cousues de fil blanc, et revenait à la charge de façon plus insistante. Face à la pression, le prévenu finissait par lâcher “Je l’ai repoussé et je lui ai donné un coup de pied !”. Sentant qu’il en avait peut être trop dit, il essayait de se défendre comme il pouvait, prétendant que le certificat médical était un certificat de complaisan­ce, que l’amie qui avait aidé sa femme à déposer plainte avait mal traduit, et que lors de sa garde à vue, son épouse avait même tenté de retirer sa plainte. Peu impression­née par ces propos maladroits, la présidente préférait en venir aux expertises psychologi­ques pratiquées­surlavicti­me ;cellesci ont révélé sa dépendance vis à vis de son mari, sa difficulté à se positionne­r en victime et à agir par elle même. Tenace, la présidente tentait d’amener le prévenu à résipiscen­ce en s’appuyant sur les déposition­s des enfants ayant confirmé l’ancienneté des disputes et les violences. “Mon grand fils a de la rancoeur contre moi parce que j’ai été un père sévère quand il faisait des bêtises”. La victime, par l’intermédia­ire de son interprète prenait enfin la parole. “Mon amie qui m’a accompagné lors du dépôt de plainte a dit ce qu’elle a voulu ; je suis bien parti à l’hôtel avec les plus jeunes enfants après les faits, mais depuis sa sortie de prison et la reprise de la vie commune, tout va bien, c’est l’essentiel”. Piquée au vif par ce bel exemple de duplicité, la procureure prenait la parole “Dans le cabinet du juge, sans la présence de la fameuse amie, l’épouse a confirmé être victime de violences depuis des années, et a même affirmé s’être vu mourir à plusieurs reprises”. Et s’adressant à la victime “Regrettez-vous avoir porté plainte ? ”. “Je l’ai fait pour lui faire peur” répondait benoitemen­t la victime. Puis la parole était donnée à l’avocate de la partie civile commençant son interventi­on par ces propos “A la lecture de ce dossier, j’éprouve tristesse pour cette pauvre dame qui a vécu un calvaire au quotidien.” Elle continuait en regrettant de devoir se brider dans sa plaidoirie suite à la demande sa cliente, stigmatisa­it le prévenu cherchant par tous les moyens à minimiser les faits tout en se cachant derrière l’argument fallacieux que tout était de la faute à sa femme qui crie tout le temps… Pour finir, elle citait un passage poignant de la déposition d’un des enfants “Depuis que je suis petit, j’ai vu mon père frapper ma mère. Aujourd’hui, j’ai grandi et je suis assez fort pour la défendre”. C’était ensuite au tour de la procureure et de son réquisitoi­re dans lequel elle s’attachait d’abord à faire le portrait d’une victime fragile et dépourvue de toute autonomie, fustigeait ensuite l’oisiveté persistant­e du prévenu et dénonçait la lâcheté et le caractère inacceptab­le que revêtent des coups portés à une femme. Elle requérait une peine de 18 mois de prison dont 10 mois avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve. Comme il se doit, la dernière interventi­on revenait à l’avocat de la défense, qui entamait sa plaidoirie en parlant de la difficulté pour un prévenu de reconnaîtr­e des actes lâches et moches. Et de rebondir sur le fait que son client se soit amendé depuis sa sortie de prison, et le nouvel épanouisse­ment du couple. “Ils se sont réconcilié­s, ils ont progressé. Elle, ne se laissera plus jamais faire, et lui, a compris toute la gravité de ses actes”.

Après quelques minutes de délibérati­on, la cour suivait les réquisitio­ns de la procureure et condamnait le prévenu à 18 mois de prison dont 10 mois avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve.

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