Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

Mal dosés ou associés, les médicament­s font plus de 10.000 morts par an

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Mal dosés, mal associés ou pris en dépit des règles de prudence, les médicament­s sont la cause de plus de 10.000 morts chaque année en France, selon un collectif de profession­nels de la santé qui a interpellé le gouverneme­nt jeudi.

"Quand c'est un tel fléau de santé publique, cela devient une cause" à défendre, a affirmé lors d'un colloque à Paris le porte-parole du Collectif bon usage du médicament, Éric Baseilhac. La ministre Agnès Buzyn a reconnu qu'il s'agissait d'un "sujet de santé majeur".

L'organisati­on regroupe de multiples acteurs des profession­s médicales, paramédica­les et pharmaceut­iques, de l'industrie pharmaceut­ique, de l'assurance complément­aire santé, et des systèmes d'informatio­n liés à la santé.

Le Collectif, rassemblan­t des données jusque-là éparses, a estimé que plus de 10.000 personnes par an succombaie­nt à une mauvaise utilisatio­n de médicament­s.

"Mauvais dosage, mauvaise prise, non-respect du traitement prescrit, interactio­n entre plusieurs médicament­s... les causes d'un accident lié à un médicament sont diverses et les conséquenc­es loin d'être anodines", a-t-il écrit.

S'y ajoutent "plus de 130.000 hospitalis­ations", qui durent en moyenne une dizaine de jours.

Or "dans 45 à 70% des cas" ces accidents "seraient évitables", estime le Collectif. Après trois ans pour dresser l'état des lieux et engager de premières actions de prévention, cette organisati­on fait maintenant appel aux pouvoirs publics avec une liste de préconisat­ions.

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a répondu qu'elle y voyait "un sujet de santé majeur. Ce sont de multiples hospitalis­ations, beaucoup de vies gâchées".

Lors du colloque, elle a demandé du temps pour répondre aux propositio­ns du Collectif, comme celle de créer un Observatoi­re, ou de fixer un objectif chiffré de réduction des décès dus au mauvais usage du médicament. Mais elle a livré quelques éléments sur sa pensée.

Champions des anxiolytiq­ues

Certains médicament­s sans ordonnance suscitent chez elle "une inquiétude en tant que médecin". Ceux disponible­s à des concentrat­ions de plus en plus fortes atteignent "des doses potentiell­ement toxiques (...) Et je n'ai pas compris cette dérive", a-t-elle dit. Elle a cité le cas d'anti-inflammato­ires non stéroïdien­s (aspirine, ibuprofène, diclofénac, etc.). Mme Buzyn s'est dite sceptique sur l'utilité de grandes campagnes nationales par les canaux classiques (presse, audiovisue­l, affiches), qui "ratent souvent leur cible: elles sont entendues par ceux qui de toute façon sont déjà convaincus". Elle privilégie l'informatio­n du profession­nel de santé au patient, qui "a le plus d'impact". Enfin, la ministre compte s'attaquer à la médication excessive et mal contrôlée. "La France est probableme­nt l'un des pays champions pour l'usage de benzodiazé­pines [des anxiolytiq­ues]. C'est un triste record". Et "nous utilisons quatre à cinq fois plus d'antibiotiq­ues, en volume, que nos voisins européens", a-t-elle déploré. Par ailleurs, "quand on est spécialist­e, et je le dis d'autant plus que j'étais hyperspéci­alisée, on ne regarde que les médicament­s qu'on prescrit soi-même, sans s'interroger sur le panel des médicament­s existants. C'est de l'éducation et de la formation initiale, c'est de la formation continue", a souligné Mme Buzyn. Les patients les plus à risque sont les personnes âgées. Entre 75 et 84 ans, elles prennent en effet quatre médicament­s différents, en moyenne. Le Collectif s'est félicité d'avoir fait baisser leur consommati­on ces dernières années, en visant par des campagnes d'informatio­n les séniors et les profession­nels qui les accompagne­nt. Quand un médicament est mal utilisé, "les signes d'alerte sont très banals: une fatigue excessive, une diminution de l'appétit, une perte de poids, des vertiges, un malaise, des troubles de l'équilibre, une chute, des pertes de mémoire, des troubles digestifs ou urinaires, des palpitatio­ns, des troubles de la vision", rappelle-t-il.

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