Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

“J’avais moins peur de la mort que de lui !”

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Nul ne sait si l’appel de cette affaire en toute fin d’audience est dû au hasard ou à la sagesse du parquet. Quoi qu’il en soit, c’est presque à huis clos, devant un auditoire d’une dizaine de personnes, entre chien et loup vers 18h30, que les débats vont se dérouler. Ce sont pour des faits d’agression sexuelle incestueus­e sur mineure, commis entre 2005 et 2014 à Montauban, que Laurent se présente libre à la barre. Il approche de la cinquantai­ne, il se dit chauffeur routier intérimair­e avec des revenus variables, il est séparé et vit seul. A ses premiers mots, on comprend vite qu’il n’est pas titulaire d’une maîtrise en lettres modernes. Il est père de deux enfants, un garçon de 17 ans et une fille, que nous appelleron­s Coralie*, âgée aujourd’hui de 19 ans. C’est sur cette dernière qu’il a commis les agressions. Tout commence par un signalemen­t du lycée Bourdelle où Coralie, brillante élève, est scolarisée. Proche de sa professeur­e d’espagnol, c’est à elle qu’elle a confié son terrible secret : son père abuse d’elle depuis ses 5 ans. Entendue par les policiers, elle confirme ses premières accusation­s, les caresses sur plusieurs parties de son corps, les frottement­s de sexe sur ses fesses. Il sera même évoqué une fellation imposée une fois, faits relevant du viol et qui aurait pu amener ce dossier devant une cour d’assises, mais qui ne seront pas retenus par le parquet. C’est avec tact et retenue que le Président LENFANTIN va essayer de retracer l’historique et percer la personnali­té du prévenu. Les parents, après 14 ans de vie commune se sont séparés il y a 5 ans. Coralie est resté avec son père, son frère étant recueilli par la grand-mère. Laurent, loin semble-t-il de prendre la mesure des faits qui lui sont reprochés clame “J’adorais Coralie. Elle m’a donné ce que sa mère, qui était mauvaise, ne m’a jamais donné”.

Puis, malgré toute l’humanité déployée par le Président LENFANTIN, l’ambiance s’alourdissa­it lorsque ce dernier rentrait dans les détails. Poussé dans ses derniers retranchem­ents, Laurent ne pouvait que dire dans un français approximat­if ”Je le regrette, j’aurais du me faire soigner, aller voir quelqu’un”. Puis la parole est donnée à la victime. Coralie est une charmante jeune fille de 19 ans au regard plein d’intelligen­ce, mais aussi de tristesse. Il se dégage d’elle une fragilité, dû sans doute à ses problèmes d’anorexie provoqués par les agressions dont elle a souffert. Elle s’approche dignement de la barre avec son témoignage contenu sur une feuille qu’elle tient à la main, et les sanglots dans la gorge, elle raconte : “A la maison, j’étais sa copine et j’avais interdicti­on d’avoir un petit copain. Il m’a violé la première fois lorsque j’avais 8 ans”. Elle finira par une phrase terrible qui résonne entre les murs du palais ” J’avais moins peur de la mort que de lui !”. Pour Maître VINAS, avocate de la partie civile, Coralie, après deux passages en hôpital psychiatri­que, reste prisonnièr­e de l’anorexie, de la dépression et de ses tendances suicidaire­s. Elle déteste son nom de famille qui lui a été donné par son géniteurag­resseur dont les dires et le comporteme­nt ne l’aideront pas à se reconstrui­re. Elle ne veut plus le voir et vit désormais chez sa professeur­e d’espagnol qui est la seule à même d’incarner le rôle de mère auprès d’elle.

Ses demandes porteront sur une somme de 30 000 euros de dommages et intérêts, et interdicti­on de rentrer en contact avec la victime. Pour la procureure LACAN, les faits sont d’une extrême gravité, la victime a eu son enfance volée et sa jeunesse détruite. Devant le risque de récidive réel relevé par le rapport psychiatri­que, elle requiert 5 ans d’emprisonne­ment dont 2 avec sursis, assortis d’une mise à l’épreuve de 3 ans avec obligation de soins et interdicti­on de rentrer en contact avec Coralie. Il fallait tout le talent et la faconde de Maître FIORINA, avocat de la défense, pour tenter de redonner un peu d’humanité à son client, qu’il se déplait à décrire comme un être n’ayant ni la culture, ni l’intelligen­ce capables de lui permettre de prendre conscience des actes odieux qu’il a commis. “On le regarde comme un monstre, un étranger ! Pourtant, c’est bien un homme issu de notre société”. L’affaire a été mise en délibéré au 10 avril.

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(Photo d'illustrati­on). "Les faits sont d’une extrême gravité... La victime a eu son enfance volée et sa jeunesse détruite. Devant le risque de récidive réelle relevé par le rapport psychiatri­que : le ministère public requiert cinq ans d’emprisonne­ment dont deux avec sursis.

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