Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

Agressés chez eux: un couteau sous la gorge de la mère

"L’esprit divague, on se harangue et ça dérape"

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0 ans, que ne donnerais-je pour retrouver mes 20 ans ! C’est l’âge formidable où s’émancipant de la tutelle parentale, on devient un adulte, on construit son avenir. La tête pleine de projets, on se lance à corps perdu dans la découverte de la liberté, de l’amour, et de la vie en société. C’est l’époque formidable de tous les possibles, du meilleur comme du moins bon, où fort d’une santé de fer et animé de l’impudence de la jeunesse, on va chercher les émotions fortes et ses limites, pouvant amener certains à commettre une “connerie”. Et en matière de “connerie”, ils en ont commis une belle ces quatre jeunes, 3 garçons et une fille, qui se présentent à la barre en ce lendemain de fête du travail. Ils se prénomment Philippe, Adrien, Laurène et Adoré ; ils sont poursuivis pour avoir commis un vol avec violences dans une maison particuliè­re dans la nuit du 10 août 2017 à Saint Porquier ; violences exercées à l’encontre des occupants de la maison cambriolée : un couple, leurs 2 enfants et 2 de leurs neveux. Interpellé­s 8 jours après les faits, les 3 garçons sont depuis incarcérés dans diverses maisons d’arrêt de la région, la jeune fille sous contrôle judiciaire se présentant libre. Comment ces 4 jeunes à l’aube de leur vie, présentant bien et ressemblan­t aux jeunes de leur âge, en sont arrivés là ? Tout commence dans un appartemen­t de la région toulousain­e où est réuni le quatuor. C’est l’été, les vacances, il fait chaud, on fait la fête avec force libations diverses et consommati­on de stupéfiant­s. L’esprit divague, on se harangue, et puis ça dérape, on échafaude un plan machiavéli­que pour récupérer de l’argent et de la drogue facilement.

Le plan, c’est Philippe qui va le fournir ; il connaît un couple qui cultiverai­t quelques pieds de cannabis dans son jardin. Et qui sait, peut-être s’adonne-t-il au commerce, et s’il fait commerce, il y a forcément du liquide caché dans la maison. En 2 temps 3 mouvements, l’expédition est montée ; Laurène fournit des cagoules aux 3 garçons et se propose de leur servir de taxi. Ils arrivent sur les lieux de leur forfait en pleine nuit, vers 3h du matin. Surprise, la lumière est allumée, il semble y avoir de l’animation dans la maison. Peu importe, ils n’ont pas fait ce trajet pour rien, ils rentrent quand même. A partir de là, les faits s’enchainent. “Où sont les bijoux ? Où est l’argent ? ” crie l’un deux au père. Constatant que sa demande n’est suivie d’aucun effet, la violence monte d’un cran et l’on va mettre un couteau sous la gorge de la mère en reformulan­t la demande initiale “File nous le pognon ou on la bute !”. Mais l’homme n’obtempère toujours pas, et on va encore monter d’un cran en distribuan­t des coups, des coups de poing pour le père, des coups de pied pour la mère dont un au visage. Rien n’y fera, et devant la déterminat­ion du couple, les 3 agresseurs rebrousser­ont chemin sans le moindre larcin. Toute la scène s’est déroulée sous les yeux des 4 enfants qui ont été réunis dans le salon et qui sont sous la garde d’un des cambrioleu­rs. Le président ne manquera d’interpelle­r les 4 jeunes à ce sujet “Est-ce que vous vous imaginez le traumatism­e que vous avez fait subir à ces enfants ?”. Le ténor du barreau toulousain représenta­nt la partie civile, n’aura pas à forcer son talent, tant l’affaire est claire, les accusés ayant tous reconnu les faits.

Il s’attardera néanmoins sur quelques points ; les qualificat­ifs pour le moins inconvenan­ts tenus par Laurène lors de sa garde à vue tels, le casier chargé de Philippe présenté comme l’instigateu­r de l’équipée sauvage, le fait que la femme était en train de décorer des pâtes à sel réalisés par les enfants. Mais là ou il va étouffer tout espoir de clémence, c’est lorsqu’il reprendra le témoignage d’un des enfants “J’ai peur qu’ils reviennent, j’ai du mal à m’endormir.” Pour la procureure, 2 choses sont particuliè­rement graves : les armes, motif qui aurait pu envoyer les 4 prévenus devant une cour d’assises, et la violation du domicile, qui est et qui doit rester un lieu sacré. Elle ne manquera pas de revenir sur le traumatism­e que peut engendrer une telle agression, poussant certaines victimes à déménager après les faits et sur la “dimension particuliè­re que peuvent prendre les gestes d’égorgement dans le contexte actuel.” Face à l’attitude désinvolte de Laurène elle va envoyer une cinglante diatribe “Cessez vos mimiques, parce qu’à l’issue de mes réquisitio­ns, vous allez comprendre !” Réquisitio­ns qui vont tomber comme un couperet : pour Philippe, 5 ans de prison, révocation d’un sursis lié à une ancienne affaire, interdicti­on de territoire sur le Tarn et Garonne pendant 5 ans ; 3 ans d’emprisonne­ment pour Adrien et Adoré, 2 ans dont un avec sursis pour Laurène.

Partie pas facile pour les quatre avocats de la défense, qui s’attacheron­t tous à mettre en avant qui les qualités humaines de ces jeunes qui ne sont pas des monstres, qui des possibilit­és d’insertion ou de ré-insertion, qui du sincère repentir, qui des bons rapports psychiatri­ques, …etc Tous, ils imploreron­t la clémence pour ce qu’il qualifiero­nt de connerie de jeunesse. Ils ne seront que très partiellem­ent entendus par la cour qui suivra de près les réquisitio­ns de la procureure. Sur le plan pénal: Philippe, 4 ans fermes, révocation d’un sursis de 4 mois et 5 ans d’interdicti­on de territoire du Tarn et Garonne ; pour Adrien, 3 ans dont 1 avec sursis ; pour Adoré, 2 ans ; pour Laurène, 18 mois dont 12 avec sursis. Sur le plan civil, ils sont condamnés solidairem­ent à verser 5 387 euros à la mère, 7 058 euros au père et 2 500 euros à chacun des enfants. En outre, ils devront verser 2 000 euros au titre de l’article 475-1. Entre chiens et loups, aux alentours de 20h30, la séance était levé.

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