Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

La vieille dame a-t-elle été abusée par son jeune protégé ?

Une histoire d'amitié improbable...

-

Cela pourrait faire un bon scénario pour le prochain film de Ken Loach ou de Vincent Lindon tant il ressemble à une satyre sociale de notre temps. C’est l’histoire d’une amitié improbable entre deux êtres que tout sépare. D’un coté il y a Paulette, 89 ans, elle vit seule dans sa petite maison de Montech. Malheureus­ement, la vieillesse faisant son oeuvre, elle n’a plus tous ses esprits et sa fille a entamé des démarches pour la placer sous curatelle. De l’autre coté, il y a Hakim, un jeune homme de 26 ans, dont le prénom révèle des origines méditerran­éennes. Il est né en banlieue parisienne, à Trappes et a grandi dans l’une de ces cités où est plus souvent promulgué l’art de voler une voiture ou vendre du cannabis plutôt que l’exégèse de l’oeuvre de Proust ou Descartes. Voulant échapper à un destin tout tracé de délinquant, il a quitté cette atmosphère anxiogène pour rejoindre les cieux plus cléments du Tarn et Garonne. Il est aujourd’hui éducateur dans une institutio­n honorablem­ent connue et mène ce qu’il est coutume d’appeler, une vie tranquille. Mais les débuts ne furent pas faciles, période durant laquelle il alterne petits boulots et contrats précaires, il dort à droite, à gauche et même pendant un temps dans sa voiture garée sur le parking d’un supermarch­é. Il galère mais il s’accroche. C’est à cette époque qu’il fait la connaissan­ce de celle qu’il ne tardera pas à appeler “Mamie Paulette.” Il passe la voir régulièrem­ent, fait des menus travaux dans la maison, et surtout brise le carcan d’une solitude par trop dévastatri­ce. En échange, pour celui qu’elle considère peut être comme un petit-fils d’adoption, elle lui offre une console de jeux pour son anniversai­re et le dépanne financière­ment de temps en temps.

Un jour, en retard de paiement de ses loyers, et devant les menaces réitérées de son bailleur, Hakim demande de l’aide à Paulette ; elle lui donne deux chèques, un de 700 euros et un de 1 300 euros. La banque, intrigué par ces montants, prévient la fille de la vieille dame, qui immédiatem­ent porte plainte à la gendarmeri­e. Dans un français impeccable, ce que relèvera le procureur, et avec une verve pleine de sincérité, le prévenu se défend “Je n’ai jamais abusé de cette dame. Je n’ai jamais dissimulé mon identité. Les 2 chèques, elle me les a donnés et je devais lui rembourser 80 euros par mois.” Selon l’avocate de la partie civile “Il savait qu’il ne pourrait jamais rembourser ces sommes.” Le procureur aura la dent dure “Il n’a pas de condamnati­on pour des faits similaires ? Et alors ? Il faut bien commencer un jour !” Ce à quoi il se verra rétorquer par l’avocate de la défense “Non Monsieur le procureur, il ne faut pas commencer un jour !” avant de pourfendre avec brio une enquête à charge, un dossier qui repose à 80 % sur les déclaratio­ns de la fille de Paulette qui ne vient à Montech qu’une fois par mois. Malgré cela, malgré une instructio­n mal ficelée, malgré l’absence de preuve irréfutabl­e, la cour délivre un verdict sévère et condamne Hakim à payer 1500 euros au titre du préjudice matériel, 100 euros au titre du préjudice moral et 600 euros au titre de l’article 475-1.

Newspapers in French

Newspapers from France