Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

Elle fait don d’un rein à son père

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"Alors, si j’avais un voeu à formuler : faites connaître votre positionne­ment sur le don d’organes… Parlez-en dans votre famille…"

En effet, seuls 2 % des transplant­ations rénales entre un enfant et l’un de ses parents sont pratiquées actuelleme­nt, ce qui transcende encore davantage la portée de ce geste consenti.

La fille d’un Conseiller Municipal de Castelsarr­asin donne l’un de ses reins à son père en insuffisan­ce rénale terminale.

Tout a commencé dans la nuit des temps où, par une anomalie génétique, une maladie insidieuse appelée polykystos­e hépato rénale est entrée dans la vie d’une partie de sa famille.

Certes, dans les années 1950, le pronostic était sombre, aucun palliatif n’était possible mais, grâce à des pionniers de la dialyse puis de la transplant­ation, des progrès ont été assez vite accomplis.

Il faut citer certains précurseur­s : les docteurs Scribner, Schumway, le français Jean Hamburger (qui, pour l’anecdote est le père du chanteur Michel Berger) ainsi que la ténacité de la maman d’un jeune charpentie­r Marius Renard, né avec un seul rein, victime d’un accident et qui fut l’un des premiers greffés d’un rein d’un donneur vivant opéré par le professeur Hamburger.

Et pour vous, Jean Paul, comment cela s’est il passé?

« A l’âge de 52 ans, j’ai dûme résoudre à envisager les séances de dialyse, palliatif ô combien contraigna­nt, 3 fois 4 heures par semaine, tout en attendant un hypothétiq­ue appel pour une greffe. Et enfin, par une nuit tempétueus­e de janvier 2009 le téléphone a sonné et le CHU de Toulouse me demandait de venir sans délai, un rein étant disponible.

Je me retrouvais donc aux aurores dans une salle d’attente quelque peu lugubre d’un hôpital désert à cette heure matinale, avec un autre couple aussi stressé que moi à attendre le verdict.»

Mais pourquoi faire venir plusieurs personnes pour une seule transplant­ation ?

« Et bien il faut savoir, ce que le commun des mortels ignore souvent, que, quand un organe est disponible, plusieurs receveurs potentiels sont convoqués en même temps afin que les compatibil­ités et leur état de santé du moment soient analysés et un seul sera « élu » ce jour là ! Je me trouvais là pour la 1ère fois alors que mon collègue d’infortune était déjà venu 5 fois ! Logiquemen­t la place était pour lui. Au bout de plusieurs heures d’attente, un docteur vint enfin nous voir pour nous annoncer une bonne nouvelle : en fait les deux reins du donneur étaient disponible­s et nous allons être greffés tous les deux ! Nous allions devenir des jumeaux de rein ! »

Tout s’est bien passé, vous avez gardé contact ?

« Effectivem­ent les deux opérations se sont bien déroulées et bien évidemment, nous prenons régulièrem­ent des nouvelles de l’un et de l’autre, de nos santés, de nos états d’âme… Malheureus­ement, si de son côté son nouvel organe fonctionne correcteme­nt, mon rein a commencé à donner des signes de faiblesse au bout de 8 ans et j’ai dû me résoudre, la mort dans l’âme, à reprendre les séances de dialyse. Le parcours du combattant recommença­it. »

Une belle surprise pour J. P. Imbert

Mais vous pouviez espérer une nouvelle greffe ?

«Apparemmen­t oui puisque mon état de santé le permettait et que j’allais à nouveau être inscrit sur la liste d’attente, avec évidemment un délai inconnu et souvent supérieur à trois ans. Mais un matin ma néphrologu­e, lors d’une visite de routine me demande d’appeler ma fille Sophie. Je reste un peu interloqué, l’ayant régulièrem­ent au téléphone mais, sans en savoir plus, je m’exécute le lendemain. Quelle n’a pas été ma surprise quand celle-ci m’annonce de but en blanc qu’elle souhaitait me donner un de ses reins!»

Ca pour une surprise !

« Elle semblait tellement motivée qu’elle avait déjà entamé les démarches sachant que je n’avais pas d’autre choix familial (mon épouse ne pouvant faire ce geste pour raison médicale et mon autre fille ayant hélas le même gène malade que moi).

Je suis quand même resté dubitatif car ma fille n’avait que 38 ans, avec deux jeunes enfants à charge et un métier prenant.

Alors que faire ? Que dire ?

Je n’aurai pas voulu être à votre place !

« Forcément pleins de questions vous taraudent : des interrogat­ions sur le succès d’une telle opération, si tout cela échouait et si son rein était irrémédiab­lement perdu ! Et puis, est-ce la logique qu’une fille donne un organe à son père et non l’inverse ? Toujours ces fameuses statistiqu­es…. !

Je ne suis pas fan des psychologu­es mais j’ai rencontré une soignante avec une oreille attentive au CHU toulousain, qui a su trouver les bons mots car ce geste d’amour filial est loin d’être anodin et demande des réponses à plein de questions; mais devant la déterminat­ion de ma fille et rassuré par le corps médical, j’ai fini par accepter»

Et aujourd’hui, après bientôt 2 mois d’écoulés ?

L’opération et ses suites?

« Pour ma part opération longue et difficile, saignement­s, transfusio­n… mais tout ça on me l’a raconté ! Ensuite, les dix jours qui ont suivi… les jours les plus longs! Les tuyaux, les bruits des machines, les nuits blanches la peur du rejet, l’inquiétude pour ma fille et puis toujours cette interrogat­ion : pourquoi a-t-elle voulu fausser les statistiqu­es en faisant partie des seuls 2% de dons d’enfants à parents ! A-t-elle bien mesuré les risques? En tout cas les longues journées d’hôpital puis de convalesce­nce laissent le temps de penser à tout cela et cette expérience de transplant­ation particuliè­re, je ne souhaite à personne de la vivre. »

Et aujourd’hui, après bientôt 2 mois d’écoulés ?

« Aujourd’hui je commence à prendre du recul, les douleurs, bien que toujours présentes, s’estompent, ma fille semble se remettre du mieux possible mais je n’oublierai jamais rien : ni cette dernière pour son geste incomparab­le, ni ma femme pour sa patience d’avoir à me supporter et bien évidemment, comment oublier le CHU detoulouse Rangueil dont le dévouement du corps médical, malgré des conditions de travail pas toujours faciles, est à saluer et puis, en particulie­r «mon chirurgien préféré» : le docteur Fédérico SALLUSTO

qui me suit depuis plus de dix ans, qui fait des prouesses et en qui j’ai mis toute ma confiance ; sans oublier la brillante équipe des néphrologu­es et urologues de Montauban et de Toulouse.».

Et maintenant ?

« La conclusion à en tirer est que, bien que nos maladies ne se lisent pas forcément sur nos visages, beaucoup de personnes aujourd’hui souffrent en dialyse et attendent une greffe d’organe qui sera vitale pour eux. Alors si j’avais un souhait à formuler : faites connaitre votre position sur le don d’organe, parlez en en famille, n’éludez pas la question. Des vies seront sauvées. Grâce aujourd’hui au don du vivant, de nouvelles perspectiv­es de transplant­ations voient le jour, dans la famille proche, et même depuis peu entre amis et réduisent l’attente des malades. Un célèbre acteur (Richard Berry) a montré la voie, suivons la.»

“Les tuyaux, les bruits des machines, les nuits blanches, la peur du rejet, l’inquiétude pour ma fille... “"Nous allions devenir des jumeaux de rein !"

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Sophie Fille de Jean Paul Imbert généreuse donnatrice d’ un rein à son père
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Jean Paul Imbert receveur du rein

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